Le nouveau régime forestier du Québec, adopté au printemps, subit son premier test devant les tribunaux ce matin.

La municipalité de Sainte-Lucie-des-Laurentides demande une injonction contre la coupe de bois sur le mont Kaaikop, non loin de Saint-Donat.

Elle a l'appui des Mohawks de Kahnawake, qui détiennent un vaste territoire juste au sud, appelé Tioweroton - ou Doncaster - , où ils pratiquent notamment la chasse à l'orignal.

Selon Serge Chénier, maire de Sainte-Lucie, le mont Kaaikop est un «moteur économique» pour la région grâce à sa nature sauvage. «C'est un endroit unique, et c'est pour ça qu'on veut le protéger», a-t-il dit en entrevue téléphonique avec La Presse.

Il demande de surseoir d'un an aux coupes forestières qui sont prévues par le ministère des Ressources naturelles (MRN), le temps de faire un inventaire faunique et floristique.

Deux entreprises convoitent le bois du mont Kaaikop: Scierie Carrière et le Groupe Crête.

Les travaux devaient commencer dans les prochains jours, mais la municipalité, appuyée par de nombreux citoyens et organismes, a gagné la première manche en obtenant une injonction interlocutoire, le 27 décembre.

«On veut que les opérations se fassent», dit Éric Jolicoeur, ingénieur forestier à la Scierie Carrière, à Lachute.

L'entreprise compte obtenir de 1000 à 1500 m3 de bois sur le mont Kaaikop, soit de 3 à 4% de son approvisionnement annuel.

De son côté, le Groupe Crête n'a pas rappelé La Presse hier.

Appui des Mohawks

Les Mohawks de Kahnawake font partie de la coalition qui s'oppose aux projets de coupe sur le mont Kaaikop. «Nous ne resterons pas assis sans rien faire alors que les régions voisines sont pillées au nom de la croissance industrielle», a lancé la chef Gina Kanietahawi Deer, dans une lettre d'opposition au projet, adressée au prédécesseur du maire Chénier, en octobre dernier. Le conseil de bande de Kahnawake n'a pas rappelé La Presse hier.

Deux membres de la communauté autochtone ont parcouru le territoire la semaine dernière en compagnie de citoyens, dont Claude Samson, membre de la Coalition pour la préservation du mont Kaaikop.

Selon M. Samson, le sommet du mont Kaaikop sert de refuge hivernal à plusieurs orignaux. «Il y a un immense ravage d'orignal en plein dans l'endroit où les coupes sont prévues», a-t-il dit en entrevue avec La Presse.

Les citoyens ont commencé à se mobiliser l'été dernier, après que les médias locaux eurent tiré au clair les conséquences pour le mont Kaaikop d'un avis public du MRN publié l'année précédente.

Le député de Bertrand et ancien maire de Sainte-Lucie, Claude Cousineau, est favorable aux coupes de bois. «On doit la couper [la forêt] si on ne veut pas la perdre, a-t-il déclaré au journal L'Information du Nord. En plus, c'est à flanc de montagne et non au sommet.»

M. Cousineau n'a pas souhaité faire d'autres commentaires hier. Le MRN non plus.

Les opposants citent pourtant les orientations adoptées récemment dans la région en faveur de la conservation.

«On vient de mettre le doigt sur quelque chose qui ne fonctionne pas bien dans le nouveau régime forestier, affirme Luc Bouthilier, professeur de foresterie à l'Université Laval. On voulait mettre les citoyens au coeur de la réforme et décentraliser les décisions et là, c'est comme si les citoyens étaient de trop.»

Il s'inquiète aussi de la tournure que pourrait prendre le dossier. «Ça touche à la question autochtone, c'est un vrai baril de poudre, dit-il. La dernière chose dont on a besoin, c'est d'une autre crise d'Oka pour 1000 m3 de bois.»

Méconnu, le mont Kaaikop

Il culmine à 838 m, ce qui en fait le deuxième sommet des Laurentides, après le mont Tremblant. Il est situé à Sainte-Lucie-des- Laurentides, à environ 120 km de Montréal. Il doit son nom à un terme algonquin signifiant « espace dénudé, rocheux, escarpé et en hauteur ». Son sommet est toutefois loin d'être dénudé aujourd'hui.