L'entente pose les premiers jalons vers le rendez-vous de Paris en 2015, mais offre aussi un avant-goût des négociations difficiles à venir avec les grands pays émergents.

Les 190 pays rassemblés à Varsovie dans le cadre de la conférence des Nations unies sur le climat sont arrivés à un accordin extremis, hier, jetant les bases du sommet qui se tiendra à Paris en 2015, où de nouvelles cibles de réduction des gaz à effets de serre doivent être établies.

Le texte adopté permet de lancer les négociations vers l'ambitieux accord attendu à Paris qui permettrait de limiter le réchauffement du globe à 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle.

Un texte sur l'aide financière aux pays du Sud a également fait l'objet d'une entente, sans répondre aux exigences de ces derniers qui voulaient plus de visibilité sur la mobilisation des 100 milliards de dollars promis d'ici 2020 pour les aider à faire face au changement climatique.

La conférence, qui devait se terminer vendredi, en Pologne, aura finalement été prolongée d'une journée. Il a fallu 30 heures de négociations ininterrompues pour en arriver à cet accord, déjà qualifié de décevant par plusieurs observateurs.

« Finalement, Varsovie, ça demeure un échec. On n'a pas réussi à s'entendre sur un ensemble de points importants. À la dernière minute, principalement pour sauver la face, les pays en sont arrivés à un accord élémentaire, mais qui ne fait pas avancer les dossiers les plus urgents », a déploré le président de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), André Bélisle.

La pression pour que la conférence de Varsovie soit un succès était immense. Quelques jours après le passage du typhon Haiyan, qui a ravagé une partie des Philippines, l'objectif était de définir de nouvelles mesures immédiates pour diminuer les gaz à effet de serre et aider les pays en voie de développement touchés par des catastrophes naturelles.

Malgré tout, l'exercice n'a pas été concluant, constate Hugo Séguin, qui enseigne à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke, et qui était à Varsovie tout au long des négociations. La conférence onusienne a été pénible et frustrante, dit-il, alors qu'une impasse diplomatique a paralysé une grande partie des travaux.

« C'est une conférence riche en rebondissements et riche en émotions. Le sentiment, après ces négociations-marathons, est fait de soulagement et de grande frustration. Soulagement, parce qu'on est arrivé à s'entendre sur quelque chose. Les gens sont toutefois arrivés avec de grandes attentes et sortent frustrés. On sort de Varsovie avec moins d'engagements de réduction de gaz à effet de serre que lorsqu'on y est entré », a expliqué M. Séguin.

L'accord adopté hier n'augure pas des jours heureux en prévision de Paris 2015. Le Japon a annoncé que le pays n'atteindrait pas ses cibles de réduction de gaz à effet de serre, et le gouvernement australien a démantelé des lois et des mesures mises en oeuvre par l'administration précédente - notamment une taxe sur le carbone -, une décision qui a été applaudie par le Canada.

Le Canada, un « voyou environnemental »

Le Canada n'a pas été un chef de file de la conférence de Varsovie et il a souvent fait figure de pays voyou, dénonce le président de l'AQLPA, André Bélisle. 

« Le Canada a tenté de se défiler par tous les moyens imaginables. Historiquement, nous n'avons jamais respecté nos engagements, même pas ceux pris à Copenhague en 2009 visant à remplacer ceux de Kyoto. Notre rôle n'est pas positif », a décrit M. Bélisle. 

Cette perception est aussi partagée par Greenpeace, qui croit qu'Ottawa parle au nom des Canadiens comme si le gouvernement était représenté par le lobby des sables bitumineux. 

« L'attitude canadienne est insultante, en particulier pour les pays en voie de développement qui s'attendent à un certain leadership. Si le Canada a été moins visible pendant la conférence, les échos sont que le pays a tout fait, derrière les portes closes, pour tenter de miner les négociations. Nos diplomates ont agi comme de véritables boulets », a expliqué le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin.



Un compromis difficile à trouver

La conférence de Varsovie a bien failli se solder par l'absence d'accord, a expliqué à La Presse le chargé de cours à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke, Hugo Séguin, dans une entrevue téléphonique depuis Varsovie. 

« Les négociations ont été extrêmement difficiles. Il a fallu 30 heures de négociations sans arrêt pour en arriver à un compromis », raconte M. Séguin, lui aussi épuisé, puisqu'il a suivi ces négociations sans dormir. 

Si plusieurs sont inquiets pour les prochaines négociations, M. Séguin demeure optimiste. Il constate que le front diplomatique dans la lutte aux changements climatiques est bloqué, mais croit que la mobilisation citoyenne s'intensifiera au cours des prochaines années, afin de forcer les dirigeants mondiaux à en arriver avec des mesures concrètes à Paris, en 2015. 

« Les grandes organisations environnementales comme Greenpeace ont quitté la conférence. Elles ont promis d'aller mobiliser les citoyens sur le terrain, afin de mettre de la pression sur les politiciens. Je m'attends à une mobilisation accrue, sans quoi nous savons tous que l'accord de Paris sera un échec », prévient-il.

Les principaux points des accords adoptés

Chemin à suivre pour parvenir à un accord en 2015 à Paris, mécanisme sur «pertes et dommages» subis par le Sud à cause du réchauffement, aide financière... Voici les principaux points des accords adoptés samedi à la conférence climat de Varsovie.

VERS L'ACCORD DE 2015 A PARIS:

Le texte «invite toutes les parties à lancer ou intensifier leurs préparations sur les contributions qu'elles entendent soumettre, sans préjuger de leur nature légale» dans l'accord de 2015, et à» les communiquer bien à l'avance» de la conférence de Paris, (d'ici le premier trimestre de 2015 pour les parties qui y sont prêtes)».

AIDE FINANCIÈRE AUX PAYS DU SUD:

Il est demandé aux pays développés de «continuer à mobiliser de l'argent public, à des niveaux supérieurs» à ceux de l'aide d'urgence décidée pour 2010-2012, soit 10 milliards de dollars par an.

Par ailleurs, la première capitalisation du Fonds vert pour le climat devra «atteindre un niveau très significatif qui reflète les besoins et les défis que doivent relever les pays en développement pour faire face au changement climatique».

PERTES ET DOMMAGES:

Création d'un «mécanisme international de Varsovie sur les pertes et dommages», subis par les pays du Sud à cause du réchauffement, quelles que soient les mesures d'adaptation ou d'atténuation prises.

Il peut s'agir d'évènements extrêmes comme des ouragans, ou à évolution lente comme la montée du niveau des mers.

Il devra permettre d'améliorer les «connaissances» et «augmenter le soutien, y compris financier, technologique (...) pour aborder la question des pertes et dommages associés aux effets défavorables du changement climatique»

Il dépendra dans un premier temps d'un mécanisme déjà existant traitant des questions d'adaptation, mais à la demande des pays en développement qui veulent une structure entièrement consacrée à cette question, ce point sera «revu» dans trois ans.

PROTECTION DES FORÊTS:

Le mécanisme REDD+ (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts), adopté à Cancún en 2010, a été complété.

Il consiste à amener les pays qui abritent de précieuses forêts tropicales à éviter de les couper ou à les gérer de manière durable, en leur versant des compensations financières.

L'une des grandes avancées de Varsovie est la sanctuarisation des «clauses de sauvegarde», sur la protection des populations autochtones ou encore celle de la biodiversité qui pourrait être menacées par des projets REDD+ (ex: interdiction de la chasse dans des zones protégées).

Le texte prévoit que les pays en développement devront les «respecter avant de recevoir» de l'argent. Mais la question centrale du financement de ce système n'était pas réglée.

- Avec l'Agence France-Presse