Ce serait la plus grande mine à ciel ouvert en milieu habité du pays, et le promoteur principal est Investissement Québec. Mais on peut difficilement évaluer si elle serait profitable. Devant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) cette semaine, le promoteur a refusé de dévoiler les données financières de l'étude de faisabilité. Les audiences du BAPE se terminent aujourd'hui. Retour sur un des plus importants projets d'investissement au Québec, qui divise la Côte-Nord.

LA MINE EN CHIFFRES

Projet de Mine Arnaud

> Minerai: apatite, qui sert pour l'engrais en agriculture industrielle

> Coût: 750 millions de dollars

> Promoteur: Investissement Québec (62%) et Yara (38%), entreprise norvégienne

> Emplacement: à 7 km du centre-ville de Sept-Îles, et à moins de 1 km de la baie et des maisons les plus proches

> Fosse: extraction à ciel ouvert. Largeur de 800 m, longueur de 3,5 km et profondeur de 240 m

> Exploitation: durant 23 ans. Total de 556 millions de tonnes de minerai, de stériles et de mort-terrain

> Emplois créés: 330 emplois directs permanents et 425 emplois indirects, surtout chez les fournisseurs régionaux

> Transformation: le minerai serait envoyé par bateau en Norvège pour en extraire le phosphate et produire de l'engrais

PEU DE RENSEIGNEMENTS FINANCIERS

Dans le mémoire soumis au BAPE par les promoteurs, le volet sur les coûts et le financement compte une dizaine de pages blanches. Ces renseignements sont cachés pour des raisons de concurrence. On ignore aussi quelle est la couverture des assureurs en cas de déversement. Or, le projet est promu par le public par l'entremise d'Investissement Québec. Dans la grande majorité des projets soumis au BAPE, les promoteurs sont des entreprises cotées en Bourse et ils doivent dévoiler de telles données.

La Coalition pour que le Québec ait meilleure mine a demandé au vérificateur général d'enquêter. Elle s'inquiète notamment de la vulnérabilité de la mine devant les fluctuations du cours de la ressource. Le Maroc détient 75% des ressources mondiales. Il pourrait inonder les marchés et faire baisser le prix.

Luc Dion, président de Développement économique Sept-Îles, a soutenu que la mine serait protégée grâce à la qualité particulière de son apatite. La CSN a infirmé cette affirmation à partir des données de l'US Geological Survey.

SE COMPARER AVEC ARIANE

Si les environnementalistes et de nombreux citoyens s'inquiètent pour la viabilité du projet de Mine Arnaud, c'est aussi parce qu'ils l'ont comparé avec celui de la mine Ariane, au Lac-Saint-Jean.

Ariane n'a pas encore fini de trouver le financement nécessaire pour lancer son projet. Pourtant, son gisement est plus grand, son rythme d'exploitation est plus rapide et son minerai est plus pur. Et il ne s'agit pas d'une mine en milieu habité.

Coût d'exploitation

> Ariane: 90$/tonne.

> Arnaud:? (le promoteur a dit être rentable à partir de 120$ la tonne, sans donner plus de précisions)

Rendement de l'investissement, avant taxes et redevances

> Ariane: 23,2%

> Arnaud: renseignement non disponible

Teneur moyenne du gisement en apatite

> Ariane: 6,6%

> Arnaud: 4,4%

QUELS RISQUES POUR L'ENVIRONNEMENT?

Le promoteur a déposé une étude d'impact au BAPE, mais elle ne porte pas sur la baie de Sept-Îles, qui est située à moins d'un kilomètre de l'emplacement. Les quelque 5000 citoyens qui ont signé la pétition contre le projet s'en inquiètent. Ils n'ont pas été rassurés depuis par le déversement de 450 000 litres de mazout survenu dans cette baie, plus tôt l'été dernier, à cause de Cliffs Natural Resources.

Pour le projet Arnaud, les eaux contaminées seraient entreposées dans un réservoir de 250 millions de litres. Il se trouve sur un sol d'argile, à une moyenne de 100 m au-dessus du niveau de l'eau et des zones habitées. Les conséquences en cas de glissement de terrain et de déversement ne sont pas documentées dans le rapport soumis au BAPE.

Le mois dernier, le président de cette commission du BAPE s'est dit «très insatisfait» du manque de renseignements fournis par les experts des ministères interpellés. Le BAPE termine ses audiences publiques aujourd'hui. Il remettra son rapport au ministre de l'Environnement avant la fin du mois de décembre. Le ministre aura ensuite jusqu'à deux mois pour le rendre public.