Greenpeace s'est engagée vendredi à se battre pour faire libérer l'équipage de l'Arctic Sunrise, dont l'arraisonnement par la Russie a été, selon l'ONG, l'acte «le plus agressif» depuis le Rainbow Warrior, navire dynamité par les services secrets français en 1985.

Les 30 membres de l'équipage du brise-glace de Greenpeace, quatre Russes et 26 ressortissants de 18 autres pays - dont deux Canadiens, six Britanniques et un Français - ont été placés en détention par un tribunal de Mourmansk (nord-ouest), a annoncé vendredi l'ONG.

«Nous allons nous battre pour obtenir la libération des militants de Greenpeace par tous les moyens légaux possibles», a déclaré le juriste de l'ONG, Anton Beneslavski, au cours d'une conférence de presse.

«Le groupe n'est pas intimidé et nos avocats vont faire appel», a de son côté souligné l'ONG dans un communiqué.

L'Arctic Sunrise avait été arraisonné le 19 septembre par un commando héliporté des gardes-côtes russes, puis remorqué jusqu'à Mourmansk, après que des militants de Greenpeace eurent tenté d'escalader la coque d'une plateforme pétrolière du géant Gazprom dans cette zone de l'Arctique.

La justice locale, chargée d'une enquête pour «piraterie en groupe organisé» - un crime passible de 15 ans de détention - a placé les 30 hommes et femmes en détention provisoire pour des périodes allant de trois jours à deux mois - pour 22 d'entre eux.

Le comité d'enquête russe a justifié cette mesure en estimant que les militants pourraient fuir la Russie s'ils étaient relâchés.

Parmi les personnes emprisonnées pour deux mois figure le capitaine de l'Arctic Sunrise, l'Américain Peter Willcox.

Une première depuis le Rainbow Warrior

En 1985, c'est Peter Willcox qui commandait le Rainbow Warrior, coulé en 1985 dans le port d'Auckland (Nouvelle-Zélande) par les services secrets français, alors qu'il faisait campagne contre les essais nucléaires menés en Polynésie.

«Ce qui s'est passé avec l'Arctic Sunrise est l'acte le plus agressif et inamical depuis l'explosion du Rainbow Warrior», qui avait coûté la vie à un photographe, a estimé vendredi le directeur de Greenpeace Russie, Ivan Blokov.

Quant aux décisions de justice, elles sont «une relique d'une autre époque, comme l'industrie pétrolière russe», a commenté Kumi Naidoo, directeur exécutif de Greenpeace International.

«Cela n'a rien à voir avec la piraterie, tout le monde le comprend, y compris le président Poutine», a souligné M. Blokov.

Le président russe, Vladimir Poutine, qui participait mercredi à un forum international sur l'Arctique, avait admis que les militants de Greenpeace n'étaient «pas des pirates», mais il avait souligné qu'ils avaient «enfreint le droit international».

«Il a exprimé son point de vue, maintenant c'est le comité d'enquête qui est chargé du dossier», a commenté vendredi son porte-parole Dmitri Peskov, cité par l'agence Interfax.

Le porte-parole de Gazprom, Sergueï Kouprianov, a également estimé que les militants de Greenpeace avaient agi «de façon totalement illégale».

Greenpeace rejette cette lecture des faits.

«Nous comprenons que nos actes peuvent être qualifiés d'infractions administratives, mais pas de crime», a insisté le juriste de l'ONG, Anton Beneslavski.

Parmi les personnes incarcérées pour deux mois figure également le photographe russe Denis Siniakov, ancien collaborateur de l'AFP et de Reuters à Moscou, qui se trouvait à bord de l'Arctic Sunrise.

Sa détention a provoqué un tollé dans les milieux journalistiques russes et de la part de médias de tous bords.

Des carrés noirs à la une Plusieurs d'entre eux, comme la chaîne de télévision pro-Kremlin NTV, la radio indépendante Écho de Moscou ou la chaîne de télévision d'opposition Dojd ont mis sur leurs sites des carrés noirs à la place de photos.

«Le placement en détention pour deux mois de Denis Siniakov sera un précédent pour le journalisme en Russie», estimait vendredi dans une tribune du quotidien Vedomosti.

«Le travail professionnel du journaliste qui couvre une inondation, une grève ou une manifestation de l'opposition est souvent interprété par les forces de l'ordre (russes) comme une violation de la loi ou une complicité», poursuivait le journal.

Le quotidien Kommersant a souligné pour sa part une faible mobilisation des ambassades étrangères «qui ne se hâtent pas de protester après l'arrestation de leurs ressortissants».

Le quotidien pro-Kremlin Izvestia affirmait de son côté qu'aux termes de la législation russe le navire de Greenpeace pourrait être confisqué.