Le gouvernement du Québec a annoncé récemment vouloir renforcer la protection des milieux humides et donner plus de prévisibilité aux promoteurs. Des citoyens de Saint-Bruno-de-Montarville, sur la Rive-Sud de Montréal, se demandent s'il n'est pas trop tard pour un boisé où un drain a été mystérieusement installé sur un terrain appartenant à un promoteur qui siège sur un comité environnemental de la Ville.

Le ministre de l'Environnement Yves-François Blanchet affirmait aussi le 3 avril dernier que le nouveau règlement ou projet de loi servira «d'exercice de pédagogie» pour permettre aux organismes municipaux et autres acteurs de mieux comprendre «les enjeux liés aux milieux humides». La question n'aura jamais été aussi pertinente à Saint-Bruno.

Alors que la Ville consulte un comité de concertation sur la protection des milieux humides et la mise en valeur de terrains totalisant 38 hectares au sud de la route 116, des citoyens y ont découvert dernièrement un drain installé en catimini l'automne dernier. Le drain se trouve sur un terrain appartenant au Groupe Gagnon et Rioux, un promoteur immobilier qui siège au comité de concertation.

Une plainte a été déposée par une citoyenne au ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEP). La porte-parole Renée Plamondon confirme que des inspecteurs se sont rendus sur place le 27 mars dernier. «Nous avons effectivement constaté la présence d'un drain enfoui qui permet de drainer une partie d'un marécage. Habituellement, on communique avec la personne qui a fait les travaux, mais là, nous sommes dans l'impasse, on ne sait pas qui a fait ça.»

Le Groupe Gagnon et Rioux a racheté le terrain de Construction Galine en novembre dernier. Le président de l'entreprise, Éric Gagnon, affirme avoir appris l'existence du drain la semaine dernière. Selon lui, le drain était déjà là au moment où il a acheté le terrain. Une rencontre est prévue avec le MDDEP la semaine prochaine. «On va régler ça, le drain. Je n'enfreindrai pas la loi.» De son côté, le propriétaire de Construction Galine, Camil Gagné, est tout aussi formel. «Ce n'est pas moi qui ai mis un drain là.»

Le MDDEP documente le dossier, précise Renée Plamondon. «Une fois le constat établi, on prendra les recours appropriés pour un retour à la conformité.» Tommy Montpetit, chargé de projet du Centre d'information en environnement de Longueuil (CIEL), reproche au MDDEP son immobilisme. «Le Ministère n'a pas le droit de dormir là-dessus, ils doivent réparer ça rapidement.»

Martine Verdon, agente d'information de Saint-Bruno, signale qu'une plainte a aussi été reçue à la Ville le 22 mars. La municipalité a demandé au MDDEP de vérifier s'il y avait infraction. « Le Ministère nous a informés qu'il communiquera avec le propriétaire.»

Au moment où La Presse s'est rendue sur place, on pouvait facilement marcher dans un boisé qui est habituellement complètement inondé à cette période de l'année, signale Madeleine St-Aubin, qui habite au sud de la route 116 à Saint-Bruno. Elle affirme qu'il n'y avait pas de drain à cet endroit l'an dernier. Une citoyenne signale de son côté y avoir vu une excavatrice à la fin de l'automne. Les travaux auraient duré un jour ou deux.

Selon Tommy Montpetit, les conséquences pourraient être catastrophiques pour la rainette faux-grillon, une espèce vulnérable qui habite ce territoire. Au printemps, la minuscule grenouille recherche les milieux humides pour y pondre ses oeufs. La population de rainettes est en déclin particulièrement en Montérégie en raison du développement urbain.

L'ancien propriétaire, Construction Galine, avait commandé une évaluation environnementale des terrains situés au sud de la route 116 à l'été 2009. Dans son rapport, Gaston Lacroix, directeur de projet chez AECOM Tecsult, concluait que le secteur est possède une plus grande valeur écologique que le secteur ouest. Le rapport mentionnait cependant que la Ville souhaite développer le secteur est et favoriser la conservation à l'ouest. Le terrain où le drain a été installé est situé à l'ouest de la Montée Sabourin, au sud de la 116.

Éric Gagnon, du Groupe Gagnon et Rioux, fait peu de cas des conclusions de Gaston Lacroix. «On a déjà entrepris des démarches avec la Ville pour développer ce terrain-là. L'intention de la Ville est de développer des deux côtés et de protéger aussi des milieux humides des deux côtés.»

Tommy Montpetit signale que trois études environnementales, dont une réalisée pour la Ville de Saint-Bruno, ont pourtant confirmé ces dernières années qu'il fallait préserver ce territoire. «Toutes les études pointent vers la conservation de ce milieu, mais la Ville tient à tout prix à y construire des maisons.»

Selon des informations obtenues par La Presse, le comité de concertation se serait réuni pour la première fois cette semaine. Si l'on en croit le procès-verbal de la réunion du comité consultatif en environnement de Saint-Bruno du 6 décembre dernier, les travaux du comité seront de courte durée. Le directeur adjoint du développement urbain Denis Laplante signalait alors que trois ou quatre rencontres sont prévues. Il précisait que la fin des travaux est prévue aux alentours de mai 2013.

Photo André Pichette, La Presse

Trois citoyens de Saint-Bruno se tiennent devant le mystérieux drain installé sur un terrain appartenant à un promoteur immobilier qui siège à un comité environnemental de la Ville.