L'opposition et les écologistes ont applaudi l'ancien chef réformiste Preston Manning, qui appelle les conservateurs à se préoccuper davantage de l'environnement. Mais ils doutent que cette sortie remarquée se traduise par un changement de cap du gouvernement Harper, qui est resté muet sur ces déclarations, hier.

Longtemps considéré comme la voix de l'Ouest au Parlement fédéral, M. Manning a affirmé le week-end dernier que le gouvernement conservateur a intérêt à verdir. Il en a profité pour rappeler le lien fondamental entre «conservatisme» et «conservation».

«Vivre à la hauteur de nos moyens, ce qui est au coeur du conservatisme fiscal, est en fait un concept écologiste», a-t-il déclaré au réseau Postmedia.

Il a également soutenu que l'industrie pétrolière serait la grande bénéficiaire d'une protection accrue de l'environnement.

«Je pense que si les conservateurs, les entreprises privées et les leaders étaient perçus comme plus positifs et plus proactifs sur le front environnemental, ils s'occuperaient de l'obstacle numéro un au développement de cette infrastructure», a-t-il dit.

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Harper s'est retiré du protocole de Kyoto. Il s'est fixé des cibles de réduction des gaz à effet de serre moins ambitieuses et, selon deux rapports fédéraux publiés l'an dernier, il est en voie de rater cet objectif.

L'an dernier, des ministres conservateurs ont dénoncé l'influence des «écologistes radicaux» dans le processus d'évaluation environnementale. Les deux projets de loi omnibus sur l'adoption du budget - C-38 et C-45 - ont refondu des dizaines de lois et de règlements sur la protection de l'environnement.

Scepticisme

Voilà pourquoi l'opposition officielle reste sceptique par rapport à l'appel de M. Manning.

«C'est formidable qu'il dise cela et qu'il pousse les conservateurs à s'occuper de l'environnement, a convenu Megan Leslie, critique du Nouveau Parti démocratique en la matière. Mais je doute que les conservateurs l'écoutent, parce qu'ils considèrent que la protection de l'environnement nuit à l'économie.»

La députée de Halifax note que les conservateurs ont adopté un ton résolument plus conciliant à l'égard de l'environnement depuis quelques semaines. Un changement qui est survenu à la mi-février, après le discours sur l'état de l'Union du président américain Barack Obama.

Dans ce discours, M. Obama a promis de s'attaquer aux changements climatiques. Le lendemain, l'ambassadeur des États-Unis au Canada, David Jacobson, a déclaré que l'appel du président devrait aussi être perçu comme un défi pour le Canada.

Plusieurs observateurs ont tracé un parallèle entre cette sortie et l'oléoduc Keystone XL, dont le tracé doit être approuvé par Washington.

La semaine dernière, le ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver, s'est d'ailleurs rendu aux États-Unis pour présenter le pétrole des sables bitumineux comme une source d'énergie fiable provenant d'un pays aux programmes environnementaux responsables.

Nuisance

Le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin, estime que ce changement de ton est une conséquence directe du discours du président américain. Quant à la sortie de M. Manning, il y voit la preuve que les mesures conservatrices nuisent à l'industrie pétrolière, celle-là même sur laquelle ils misent comme moteur du développement économique canadien.

«Les conservateurs, à mi-chemin dans leur mandat, réalisent qu'ils sont allés trop loin sur la question du climat», estime M. Bonin.

Les bureaux du ministre de l'Environnement et du premier ministre n'ont ni rappelé La Presse ni répondu à ses courriels, hier.