Le gouvernement fédéral cessera de régir la construction sur des dizaines de milliers de lacs et rivières du pays. Cette réforme laisse la vaste majorité des cours d'eau du pays sans protection environnementale, dénoncent l'opposition et les écologistes.

Pour la deuxième fois cette année, le gouvernement Harper a déposé hier un projet de loi omnibus de près de 450 pages qui inclut une refonte des lois qui protègent l'environnement.

La Loi sur la protection des eaux navigables change de nom pour s'appeler Loi sur la protection de la navigation. Ottawa restreindra son application aux 3 océans qui bordent le pays, ainsi qu'aux 97 lacs et 62 rivières considérés comme les plus importants couloirs commerciaux et récréatifs.

Dans sa forme actuelle, la loi prévoit que tout projet sur un cours d'eau doit être approuvé par le gouvernement fédéral. À l'origine, l'objectif était de faciliter la navigation. Mais dans les faits, le système donne lieu à plusieurs aberrations, affirme le ministre des Transports, Denis Lebel.

«On utilisait le vocable d'eau navigable pour parler alentour d'un fossé, d'une petite rigole ou d'un petit ruisseau pour bloquer l'avancement de projets et c'est ça qu'on ne veut plus», a-t-il résumé.

La réforme fera aussi en sorte que le gouvernement fédéral renonce à appliquer la loi sur la très vaste majorité des cours d'eau du pays, dénonce l'opposition. «Il y a des millions de lacs au Canada, a déclaré le chef néo-démocrate, Thomas Muclair. Il y a des dizaines de milliers de rivières et la protection ne serait accordée dorénavant qu'à quelques douzaines. Donc, c'est un pas en arrière géant.»

Le gouvernement Harper avait déjà affaibli la protection des cours d'eau dans son projet de loi C-38 au printemps, dit la chef du Parti vert, Elizabeth May. Conséquence: les milliers de lacs et rivières qui ne se trouvent pas sur la liste publiée hier ne seront protégés que si on y exerce une pêche commerciale ou si on y trouve une espèce menacée.

Responsabilité des provinces et villes

Dans tous les autres cas, ce sont les provinces et les villes qui hériteront de la responsabilité de protéger les cours d'eau, observe Mme May.

«Demander à une province d'assumer une responsabilité du gouvernement fédéral qui était exercée par le ministère des Transports? Ça n'arrivera pas, a-t-elle dit. Elles n'ont pas assez de ressources.»

Le député libéral Francis Scarpaleggia craint que des provinces profitent du vide règlementaire pour favoriser certaines industries au détriment de l'environnement, par exemple l'Alberta avec l'industrie pétrolière. Le chef du Bloc québécois, Daniel Paillé, s'est pour sa part dit ouvert à l'idée que le Québec puisse réglementer lui-même la protection des cours d'eau, à condition qu'il reçoive une compensation du fédéral.