Un nouveau dispositif d'éclairage puissant installé à la frontière américaine inquiète les chercheurs de l'observatoire du Mont-Mégantic, qui ont besoin d'un ciel aussi sombre que possible pour étudier les étoiles.

Les États-Unis ont installé il y a quelques mois de gigantesques lampadaires équipés d'ampoules DEL projetant dans le ciel une lumière blanche au poste frontalier de Chartierville, une petite municipalité de l'Estrie à une quinzaine de kilomètres de l'Astrolab du Mont-Mégantic.

C'est en observant les étoiles comme il en a l'habitude qu'un astronome amateur de Chartierville s'est d'abord rendu compte du problème.

«On voyait un immense dôme lumineux, surtout quand les nuages étaient en basse altitude. Ça a intrigué tout le monde», a confié Raymond Fournier, fondateur du club astronome amateur de sa région et conseiller municipal. Il a rapidement déterminé que la source de cette lumière provenait de nouveaux lampadaires installés au poste frontalier.

Des représentants de l'observatoire du Mont-Mégantic ont alors été interpellés, pour se rendre compte eux aussi que quelque chose clochait. Selon le directeur du Parc national du Mont-Mégantic, Pierre Goulet, l'installation du nouveau dispositif lumineux a sans contredit des conséquences néfastes sur la capacité à observer les étoiles.

«C'est une source importante, c'est de la lumière blanche, ce n'est pas très loin, donc oui, ça a de l'impact», a signalé M. Goulet.

Les lampadaires américains n'empêchent pas à eux seuls la contemplation du ciel étoilé, mais additionné à d'autres sources de lumière, leurs effets ne sont pas négligeables.

«C'est toujours l'addition de toutes les sources de pollution lumineuse qui font qu'à un moment donné, l'impact est grand. Mais c'est une source qui est préoccupante», a-t-il noté.

La situation est particulièrement gênante, alors que le parc du Mont-Mégantic est devenu en 2007 la toute première réserve internationale de ciel étoilé, lui permettant d'attirer chercheurs et curieux amateurs de constellations.

Le système installé par les autorités américaines au point d'entrée de Chartierville vers le New Hampshire constituerait le nouveau standard des États-Unis lors de la rénovation de leurs postes frontières. Selon une source gouvernementale, les douaniers canadiens de Chartierville sont bien au fait de la problématique et se font régulièrement interpeller sur le sujet par les résidants de la région, soucieux de conserver encore longtemps leur réserve de ciel étoilé.

La lumière blanche, comme celle diffusée dans ce cas-ci, crée plus de pollution lumineuse que la lumière jaunâtre. Le problème est décuplé parce que les lampes sont orientées vers le ciel plutôt que vers le sol.

Lettre du NPD

La situation n'est pas simple à régler, puisque la décision de changer ou non le dispositif revient à un autre pays et qu'elle implique des questions de sécurité, chères au voisin du Sud.

Pour le député fédéral de la circonscription de Compton-Stanstead, le néo-démocrate Jean Rousseau, la bataille n'est toutefois pas perdue pour les astronomes. Il a adressé une lettre au commissaire intérimaire du bureau américain des douanes et de la protection des frontières, David V. Aguilar, afin d'attirer son attention sur la problématique.

«Les récents changements dans le système d'éclairage au poste frontalier de Pittsburgh, New Hampshire, menacent les activités économiques et scientifiques du Parc national du Mont-Mégantic», a écrit M. Rousseau dans une lettre acheminée la semaine dernière.

«Même si nous comprenons l'importance d'un bon éclairage pour assurer la sécurité de la frontière entre nos communautés, un effort doit être fait pour minimiser les impacts négatifs sur la Réserve internationale de ciel étoilé», a fait valoir le député.

Pour l'instant, sa missive n'a pas obtenu de réponse, mais M. Rousseau croit que les vacances estivales ne sont pas étrangères à ce silence.

En entrevue, il a signalé que les chercheurs de l'observatoire seraient disposés à partager leur expertise pour rendre le poste frontière moins lumineux tout en demeurant sécuritaire.

L'enjeu est de taille, croit M. Rousseau, pour que les grands scientifiques continuent de converger vers ce centre de recherche.

Mais aussi pour que les petits amateurs d'étoiles filantes, manipulant leur télescope pour la première fois, puissent voir la même beauté étoilée que ceux qui les ont précédés sur cette planète.