Craignant un échec diplomatique, les négociateurs réunis à Rio ont ficelé un texte définitif avant même l'arrivée, prévue pour aujourd'hui, des premiers chefs d'État et de gouvernement à la Conférence des Nations unies sur le développement durable.

Résultat, selon plusieurs observateurs sur place: un accord vidé de toute substance. Aucun engagement contraignant sur la réduction des subventions aux énergies fossiles. Rien de concret non plus sur la protection des océans. Pas de progrès tangible sur une nouvelle gouvernance mondiale du développement durable.

Kumi Naidoo, directeur de Greenpeace International, a parlé hier sur Twitter de «Rio moins 20» et de «plus longue lettre de suicide de l'histoire» au sujet du texte de 49 pages, diffusé dans l'après-midi par le journal britannique The Guardian.

Plus tôt, la commissaire de l'Union européenne sur les questions climatiques, Connie Hedegaard, sur place à Rio, s'est plainte sur Twitter de la faiblesse du texte: «Trop de «prend note» et de «réaffirme», et pas assez de «décide» et de «s'engage».»

«Rio+20 a enterré Rio 92», a écrit hier le correspondant du journal français Les Échos.

Joint à Rio, où il suit les pourparlers, Patrick Bonin, de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), ne cachait pas sa déception.

«Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est un suicide, mais on accouche d'une souris alors que les problèmes sont éléphantesques, dit-il. Il y a beaucoup de colère.»

«Les chefs d'État viennent ici faire une séance de greenwashing, dit-il. L'entente confirme des engagements pris par le passé en ajoutant quelques initiatives. Mais il fallait faire des gains et il y a un manque flagrant de volonté. La priorité semble être de préserver le processus multilatéral.»

Il estime que la présidence brésilienne de la conférence est allée trop loin dans son désir de boucler une entente.

«Normalement, on présente en texte avec des parties pas réglées, dit-il. Là, on propose un texte encore davantage affaibli.»

Délégation canadienne

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a dénoncé hier le fait que le gouvernement Harper ait refusé d'inclure des représentants des partis de l'opposition dans la délégation canadienne qui va à Rio.

«Ils n'ont voulu reconnaître aucun parti de l'opposition ni aucun membre de la société civile non plus, a déploré Anne Minh-Thu Quach, députée de Vaudreuil-Dorion. Ils n'ont aucune réunion là-bas à Rio avec des membres de la société civile ni avec aucun groupe environnemental.»

Mme Quach est accréditée avec le groupe Équiterre et c'est le NPD qui paie son voyage. «C'est comme pour tous les scientifiques qui osent critiquer le gouvernement, dit-elle. Ils refusent d'entendre les critiques, ils refusent que les gens puissent porter un jugement sur leurs actions. Ça va dans la lignée du manque de démocratie.»

À Rio, les ONG canadiennes ont elles aussi déploré que, contrairement à l'habitude, l'équipe de négociateurs canadiens refuse toute rencontre avec elles. «Ils ne nous font aucun briefing, c'est un refus complet», dit Patrick Bonin, de l'AQLPA.

Le cabinet du ministre de l'Environnement, Peter Kent, estime que chacun peut participer à sa guise aux conférences de l'ONU.

«Depuis la conférence à Rio en 1992, les conférences des Nations unies sont devenues de plus en plus inclusives, en permettant une participation directe de la société civile, dit Adam Sweet, porte-parole de M. Kent. Ces forums sont ouverts à de nombreuses voix. Il est préférable pour ces organismes de s'inscrire directement.»

-Avec Martin Croteau