La disparition de laboratoires scientifiques à Pêches et Océans Canada et la proposition de réforme de la Loi sur les pêches, deux conséquences du projet de loi C-38 sur le budget, continuent de susciter la controverse.

Hier, le ministre conservateur Gary Goodyear a annoncé une subvention de 25 millions pour un nouveau réseau de centres d'excellence en océanographie, établi à l'Université Dalhousie.

Mais l'un des chercheurs principaux pressentis pour ce nouveau centre fait partie de ceux qui ont vu leur poste aboli par Pêches et Océans Canada, a appris La Presse. Il s'agit de Kenneth Lee, expert mondial des marées noires.

Le malaise était palpable, hier, au moment de l'annonce de M.Goodyear, faite à l'Université McGill.

Le directeur du nouveau centre, le professeur Douglas Wallace, a pris la peine de souligner publiquement l'apport essentiel des chercheurs fédéraux dans le domaine de l'océanographie.

«Le Canada est témoin de changements énormes dans l'utilisation économique de ses océans, a dit M.Wallace. Et, en même temps, les océans sont en train de changer rapidement avec les phénomènes comme les changements climatiques et l'acidification. Le Canada doit, dans les prochaines décennies, être prêt pour ces changements. Les événements comme Deepwater Horizon et Fukushima montrent que nous ne sommes pas prêts. La façon appropriée de se préparer est d'investir dans les connaissances. Et je souligne les capacités de recherche de classe mondiale qui se trouvent au sein de Pêches et Océans Canada.»

En entrevue, M.Wallace a affirmé que la création du nouveau centre d'excellence était une très bonne nouvelle pour la recherche en océanographie. «C'est important justement pour avoir les chercheurs universitaires, gouvernementaux et de l'industrie autour de la table», a-t-il dit, citant en exemple le réseau ArticNet, de l'Université Laval.

Mais en même temps, il espérait que son collègue Kenneth Lee conserve son emploi. «Nous avons été vraiment surpris d'apprendre que son groupe de recherche a reçu un avis [que ses postes étaient éliminés]», a-t-il dit.

M.Lee a confirmé cette semaine à la CBC qu'il faisait partie des 55 chercheurs et techniciens dont le poste avait été aboli par Pêches et Océans Canada, dans la foulée du budget fédéral.

Ces coupes touchent tout particulièrement les spécialistes de la pollution chimique de l'eau, une discipline qui disparaîtra au sein du ministère fédéral.

Questionné par La Presse sur le rôle des scientifiques fédéraux au sein du nouveau centre d'excellence qu'il vient d'annoncer, le ministre Goodyear a affirmé que dans ce cas, «ce sont des scientifiques qui choisissent quels scientifiques reçoivent des fonds gouvernementaux».

«Cela met l'accent sur la collaboration entre le gouvernement, les universités et l'industrie privée», a-t-il dit.

Témoignage de quatre ex-ministres des Pêches

Les changements proposés à la Loi sur les pêches, eux aussi insérés dans le projet de loi C-38 sur le budget, ont provoqué une alliance inédite entre quatre ex-ministres de Pêches et Océans, deux conservateurs et deux libéraux. Ils devaient témoigner hier soir au sous-comité des Finances qui étudie le projet de loi C-38 sur le budget fédéral.

«Ils diluent totalement et émasculent la Loi sur les pêches», a dit au Globe and Mail Tom Siddon, qui a été ministre des Pêches conservateur de 1985 à 1990. «Ils sont vraiment en train d'éviscérer la loi et d'une manière sournoise, si vous lisez les petits caractères. Ils la transforment en fromage suisse.»

Sortie de chercheurs israéliens contre le Canada

Les coupes à Pêches et Océans Canada ont une résonance internationale. Hier, un groupe de scientifiques israéliens a condamné la fermeture annoncée de l'Experimental Lakes Area (ELA), laboratoire à ciel ouvert composé de 58 lacs dans l'ouest de l'Ontario. «Avec plusieurs scientifiques dans le monde, nous avons profité de l'approche expérimentale unique et des connaissances scientifiques de pointe établies à l'ELA», affirment les scientifiques de l'Israel Oceanographic and Limnological Research, dans une lettre adressée à l'ambassadeur du Canada en Israël.

«Le public en général au Canada et partout dans le monde a bénéficié des nombreuses découvertes qui ont résulté des recherches pionnières à ELA depuis 45 ans. Il semble incroyable que le gouvernement du Canada veuille, aujourd'hui, détruire ce laboratoire unique au monde.»