Pas de plan pour un puits de secours en cas d'accident de forage, un scénario qui minimise les dommages en cas de fuite, aucune description des interventions d'urgence prévues, l'étude d'impact de Corridor Resources en vue du forage de son puits Old Harry, dans le golfe du Saint-Laurent, comprend plusieurs lacunes, affirment les autorités terre-neuviennes.

Corridor Resources a demandé un permis pour forer un puits exploratoire vers un gisement potentiel situé en mer, à environ 80 kilomètres à l'est des Îles-de-la-Madeleine.

Le projet est si controversé que la Commission pétrolière et gazière offshore de Terre-Neuve-et-Labrador a ordonné des audiences publiques, alors que ce n'est pas requis habituellement pour les projets d'exploration.

Dans une lettre datée du 11 novembre, la Commission demande à Corridor de reprendre plusieurs aspects de son étude d'impact environnemental qui doit servir de base à ces audiences.

L'étude comporte un important volet qui simule les conséquences d'une fuite de pétrole éventuelle. Un événement que Corridor Resources estime rarissime dans l'industrie. Le rapport dénombre seulement deux fuites majeures depuis 2001, sur 26 732 forages en mer: celle de Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique, en 2010, et un autre accident moins grave en Australie, en 2009.

(En fait, il y en aurait un troisième, l'accident de forage qui a causé une marée noire au large du Brésil ce mois-ci.)

Dans sa simulation, la firme de consultants retenue par Corridor Resources a utilisé l'hypothèse la plus favorable au projet en présumant que le pétrole qui se trouve sous le Golfe est très léger.

Selon cette étude soumise à la commission terre-neuvienne, le pétrole susceptible de se retrouver dans le gisement Old Harry s'évaporerait en 24 heures, avant même de frapper les côtes. Sur les cartes publiées dans le rapport du consultant S.L. Ross Environmental Research, la nappe de pétrole se limite à un point au-dessus du puits, malgré les courants, les vents et les marées.

«À cause de cette légèreté initiale du pétrole, le modèle prédit que le pétrole léger faisant surface va complètement s'évaporer et se disperser dans la colonne d'eau en quelques minutes, affirment les consultants. Des traces de pétrole pourraient persister plus longtemps, mais il est improbable que des nappes importantes survivent pour de longues périodes.»

À ce sujet, la commission terre-neuvienne demande à Corridor Resources de lui fournir la description des modèles utilisés.

Les prévisions de Corridor diffèrent de celles d'une autre série de simulations, réalisée par des experts à la demande de la Fondation David Suzuki. Dans ce cas, on a présumé que le pétrole serait plus lourd et que le débit de la fuite serait de 10 000 barils par jour, comparativement à 5143 barils par jour dans la simulation de Corridor.

Dans la simulation de la Fondation David Suzuki, selon les saisons, le pétrole atteint les côtes de toutes les provinces riveraines du Golfe et la nappe survit une trentaine de jours.

Les professionnels de S.L. Ross ont présumé que le pétrole du Golfe, s'il existe, est très léger en se basant sur la composition du pétrole trouvé dans les forages les plus proches réalisés dans la région, notamment au large de la Nouvelle-Écosse.

Mais il n'y a jamais eu de puits dans le Golfe en tant que tel et cela commande plus de prudence, selon les écologistes.

«Le pire scénario retenu par Corridor Resources n'est peut-être pas assez poussé, puisqu'il se base sur un type de pétrole léger, dit Jean-Patrick Toussaint, chef des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki au Québec. Une hypothèse similaire avait été faite pour Deepwater Horizon, seulement pour révéler que le type de pétrole était beaucoup plus lourd que ce qui avait été prévu.»

«Oui, ça se peut que ce soit du pétrole léger, mais on le saura seulement quand il sortira, dit Christian Simard, de Nature Québec. Chevron a été extrêmement surpris au large du Brésil d'avoir une pression énorme dans son puits exploratoire. Alors, il y a la théorie et la pratique. Il ne faut pas adopter un scénario rose bonbon.»

M. Simard souligne aussi que le rapport de Corridor ne dit rien sur le forage d'un puits de secours, un élément qui aurait pu réduire l'impact de la catastrophe de Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique. La commission pétrolière terre-neuvienne souligne également cette lacune.

Depuis lundi, La Presse a posé plusieurs questions par courriel à Corridor Resources, qui n'était pas en mesure de répondre hier.