Nourrir 9 milliards d'êtres humains, le défi qui attend notre planète en 2050, «c'est possible», à condition de faire évoluer les pratiques agricoles, mais aussi le contenu de nos assiettes et nos mauvaises habitudes de jeter la nourriture, prévient la présidente de l'INRA.

Moins de gaspillage et moins de viande consommée au Nord, des rendements accrus au Sud: «L'agriculture qui nourrira 9 milliards d'habitants n'est pas la prolongation de l'agriculture d'aujourd'hui», indique à l'AFP Marion Guillou, à la tête de l'Institut national de recherche agronomique (INRA) depuis 2004.

Notre planète, qui franchira très bientôt le cap de 7 milliards d'habitants, en comptera sans doute 9 milliards dans 40 ans selon les projections onusiennes. Pourra-t-on nourrir tout le monde alors que, aujourd'hui, 925 millions de personnes sont déjà sous-alimentées ?

«Oui, c'est possible. Il n'y a pas de facteur bloquant, mais cela suppose de faire évoluer nos modèles d'alimentation et les modèles agricoles», reprend la présidente de l'INRA, qui détaille ces changements nécessaires dans un ouvrage co-écrit avec Gérard Matheron, président du CIRAD, un centre de recherche spécialisé sur les pays du Sud, à paraître le 22 septembre.

Les responsables des deux principaux instituts agronomiques français prolongent l'étude Agrimonde menée ces dernières années pour tenter d'esquisser le contour d'une agriculture capable de nourrir 9 milliards de bouches tout en répondant aux menaces pesant sur le climat et la biodiversité.

Le paradoxe, rappellent-ils, est que «le monde est aujourd'hui quantitativement en capacité de nourrir sa population avec une disponibilité globale de 3000 kilocalories par jour et par personne», soit la quantité jugée «satisfaisante» par l'Organisation pour l'agriculture et l'alimentation.

Le problème étant évidemment que cette quantité atteint 4000 kilocalories dans les pays industrialisés contre 2500 dans une grande partie du monde.

Avant de penser à produire plus, il faut donc penser à répartir mieux, soulignent-ils en substance, ce qui implique, dans les pays riches, de «réduire les consommations alimentaires excessives» et de lutter contre le gaspillage avec «environ un tiers de la nourriture perdu ou gaspillé aux stades de la transformation, de la distribution et de la consommation finale».

«Quand vous gaspillez, vous gaspillez aussi l'énergie, les intrants et le travail qu'il a fallu pour produire», rappelle Marion Guillou.

Au Sud, les efforts devront porter davantage sur une diminution des pertes en sortie de champ (pourrissement des produits, insectes) et sur l'amélioration des rendements par l'innovation, estime la présidente de l'INRA.

Des innovations concernant la technique -utilisation de lasers pour s'assurer de sols plats permettant d'optimiser l'irrigation- ou la controversée question des OGM: «Il n'y a pas de raison de refuser un outil sur une planète contrainte, mais on n'est pas des obsédés des OGM», assure-t-elle.

Une réduction de la consommation de viande permettrait aussi la mise en culture de prairies et pâturages permanents, avec un potentiel d'extension estimé à 1 million d'hectares, principalement en «Amérique du Sud, en Afrique et au nord de la Russie dans un contexte de changement climatique».

9 milliards d'hommes à nourrir, de Marion Guillou et Gérard Matheron, édition François Bourin, 432 pages.