Le Canada doit cesser d'être à la remorque des États-Unis et se doter d'une politique nationale cohérente en matière de lutte contre les changements climatiques, estiment les dirigeants des grandes entreprises du pays.

Compte tenu de l'urgence d'agir dans ce dossier, le premier ministre Stephen Harper devrait d'ailleurs convoquer ses homologues des provinces à une conférence des premiers ministres afin de jeter les bases d'une vraie politique nationale, recommande le Conseil canadien des chefs d'entreprise (CCCE) dans un document de réflexion qui sera rendu public aujourd'hui.

Dans ce document de 73 pages que La Presse a obtenu, le CCCE soutient que le Canada a tous les atouts pour devenir une superpuissance en matière d'énergie et de ressources naturelles, «tout en contribuant à l'amélioration de la protection environnementale à l'échelle planétaire» en misant sur l'innovation et les technologies vertes.

Mais pour y arriver, les gouvernements de tous les ordres doivent se donner un plan de match cohérent de concert avec les entreprises canadiennes, soutient le CCCE dans le rapport intitulé Croissance écologique: Faire du Canada un chef de file en matière d'innovation énergétique et environnementale.

«L'industrie canadienne est prête à jouer son rôle; les entreprises ont néanmoins besoin d'une feuille de route qui leur tracera une démarche claire et prévisible, ancrée dans une structure économique compétitive et solide, de manière à ce qu'elles puissent apporter des solutions novatrices et durables», affirme le CCCE dans son rapport.

«Nous avons besoin d'un cadre national cohérent en matière d'énergie qui facilitera l'élaboration de solutions d'énergie propre et hissera le Canada au rang de chef de file sur l'échiquier international. Le premier ministre du Canada devrait convoquer une réunion des premiers ministres afin de définir l'orientation qui sera donnée à la stratégie nationale en matière d'énergie.»

Impatience

Les groupes environnementaux ont souvent dénoncé la lenteur du gouvernement Harper à s'attaquer au dossier de la lutte contre les changements climatiques. Le rapport du CCCE, qui représente 150 des plus grandes entreprises du pays, démontre que les gens d'affaires commencent aussi à s'impatienter.

«Nous devons mettre fin à l'ensemble hétérogène de plans d'action qui existe actuellement à l'échelle fédérale et provinciale et nous engager à adopter une approche nationale cohérente en matière de politique climatique. Le Canada n'a pas besoin d'attendre les Américains pour élaborer des politiques touchant des questions-clés», affirme le CCCE.

Le Canada, note le CCCE dans son rapport, est choyé par son abondance de ressources naturelles qui contribue grandement à sa prospérité. Outre son hydroélectricité, le Canada dispose de la deuxième réserve de pétrole en importance du monde, est le deuxième producteur d'uranium du monde et est le troisième producteur de gaz naturel. Le pays dispose aussi de réserves de charbon qui dureront au moins 100 ans.

Mieux encore, les États-Unis sont de plus en plus préoccupés par leur sécurité énergétique et le Canada se trouve à être son premier fournisseur étranger en énergie. Enfin, la demande mondiale d'énergie connaîtra une croissance de 40 % de 2007 à 2030, en grande partie à cause de la demande des pays émergents comme la Chine et l'Inde, selon l'Agence internationale de l'énergie.

Mais cette hausse de la consommation de l'énergie entraînera aussi une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. La meilleure façon de limiter cette hausse est d'investir dans les technologies plus propres.

Accord bilatéral

Dans son rapport, le CCCE recommande, outre l'adoption d'une politique nationale cohérente sur la question climatique, de conclure un accord bilatéral avec les États-Unis en matière d'environnement et d'énergie.

Le CCCE se montre aussi ouvert à l'idée de fixer un prix sur le carbone, mais à certaines conditions. Cette tarification devrait être appliquée à grande échelle à tous les secteurs de l'économie et aux produits de consommation et devrait être appliquée à des taux relativement bas afin d'accorder suffisamment de temps aux entreprises pour s'ajuster. Les recettes perçues devraient être utilisées pour réduire les impôts et pour soutenir la conception de nouvelles technologies. Aussi, la nouvelle tarification devrait être conçue de manière à ne pas imposer un fardeau indu à une région ou à un secteur particuliers.

Le CCCE estime aussi que les entreprises canadiennes doivent augmenter leurs parts d'investissements consacrés à la recherche et développement dans le domaine énergétique.

Il juge enfin «indispensable» que le Canada «améliore sa propre performance environnementale s'il veut être crédible comme artisan d'une approche internationale novatrice et efficace» afin de contrer les effets des changements climatiques.