Au moment où commence cette semaine au Japon un sommet de l'ONU sur la biodiversité, le bilan du Canada en matière de protection de l'environnement est de nouveau sévèrement critiqué.

«Le Canada a l'une des plus grandes richesses naturelles de la planète. Mais on ne gère pas bien ces ressources parce qu'on ne calcule pas leur valeur économique», avance Stewart Elgie, professeur à l'Université d'Ottawa et président du groupe de recherche et de réflexion Sustainable Prosperity. «Si on loue un appartement et que l'on n'a pas à payer la facture d'électricité, on va laisser les lumières allumées. C'est ce que nous faisons: nous utilisons trop d'eau, nous coupons trop d'arbres, nous appauvrissons le sol et nous épuisons la nature trop rapidement.»

Une vaste étude parrainée par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) sur l'économie des écosystèmes et de la biodiversité, publiée cette semaine dans le cadre du sommet de Nagoya, au Japon, sonne l'alarme sur l'urgence de modifier l'approche de la communauté internationale face aux ressources naturelles. Or, le Canada accuse un retard considérable à ce chapitre au regard d'autres pays, estime le professeur Elgie. Il rappelle qu'un récent rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) place Ottawa au 29e rang parmi 33 pays pour la création de mesures incitatives destinées à réduire la pollution et à protéger l'environnement.

«Depuis le début de l'humanité, on tient pour acquis que la nature nous donne tout ça gratuitement. Il faut penser différemment parce que, pour la première fois dans l'histoire, nous avons la capacité de causer des dommages irréparables aux écosystèmes de la planète», prévient le professeur.

«On épuise les ressources naturelles plus vite que la planète ne peut les régénérer, ajoute-t-il. On joue à la roulette russe avec l'avenir de la planète, et on va laisser un lourd déficit environnemental aux prochaines générations.»

Payer le juste prix

Selon lui, il faut commencer à payer le juste prix des ressources, dont leur coût environnemental: «Si l'industrie des sables bitumineux devait payer pour ses coûts environnementaux, ça ferait longtemps qu'elle aurait amélioré ses pratiques. Si on prenait en compte la véritable valeur des ressources, l'énergie éolienne coûterait beaucoup moins cher que celle produite par le charbon.»

Le critique du Bloc québécois en matière d'environnement, Bernard Bigras, estime que la protection de la biodiversité, au Canada comme ailleurs dans le monde, passe par une réforme de la comptabilité nationale pour y inclure les coûts environnementaux.

«Ce qu'il faut faire d'abord, c'est donner une valeur à la nature, soutient M. Bigras. Une fois qu'on l'a fait, il faut prévoir des mécanismes de compensation lorsqu'il y a des externalités négatives qui sont la résultante de l'activité économique, reconnaître qu'il y a des compensations financières lorsqu'il y a destruction de la biodiversité et de l'habitat.»

L'enjeu du développement durable, dit-il, sera d'assurer que la nature arrive à régénérer les ressources à temps.

«Il faudrait qu'une évaluation stratégique environnementale soit imposée à toute décision du gouvernement, pour que l'environnement soit aussi pris en compte, pas seulement l'économie, ajoute le député. Je ne suis pas le seul à le dire: en 1994, une directive du bureau du premier ministre exigeait que tous les ministères soient soumis à une évaluation stratégique environnementale. Mais ça, c'est un échec complet.»

La porte-parole du NPD en la matière, Linda Duncan, soutient pour sa part que l'inaction des conservateurs est en train de mettre en danger certains écosystèmes: «Il faut remettre de la loi et de l'ordre dans la protection de la biodiversité au Canada. Il y a des poursuites actuellement devant les tribunaux contre le gouvernement, qui a été incapable de se conformer à la Loi sur les espèces menacées d'extinction. Il faut que de l'argent soit investi massivement pour la protection de la biodiversité.»