L'embargo décidé par l'Union européenne sur les produits dérivés du phoque est entré en vigueur vendredi comme prévu mais ne s'applique pas aux organisations qui ont déposé un recours devant la justice européenne, a indiqué une porte-parole de la Commission européenne.

«L'interdiction (du commerce des produits dérivés du phoque) est en vigueur aujourd'hui (vendredi). Toutefois, elle ne s'appliquera pas aux plaignants (qui ont déposé un recours devant la justice européenne) jusqu'à ce que la Cour européenne de justice (CEJ) ait eu la possibilité d'entendre toutes les parties concernées», a dit Maria Kokkonen, une porte-parole de la Commission.

Les parties ont jusqu'au 7 septembre pour présenter leurs observations devant la CEJ. «Une audition pourrait avoir lieu juste après» cette date, a-t-elle dit.

Seize organisations et individus, dont la principale organisation inuit du Canada, Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), ont déposé un recours devant la CEJ pour demander une suspension de l'embargo européen.

Dans une ordonnance rendue jeudi et dont la Commission dit avoir pris connaissance «tard dans la nuit» de jeudi à vendredi, le tribunal de la CEJ a donné raison aux plaignants en stipulant que «l'application des conditions limitant la mise sur le marché des produits dérivés du phoque (...) est suspendue en ce qui concerne les plaignants, jusqu'à l'adoption d'un ordre mettant fin à la présente procédure de référé».

L'embargo de l'UE, décidé en juillet 2009 sous la pression de défenseurs des animaux --dont Brigitte Bardot-- qui dénonçaient la «cruauté» des chasseurs, avait été contesté auprès de la CEJ par ITK.

La plupart des plaignants représentent les Inuits, un peuple autochtone des régions arctiques, mais certains sont des sociétés de commercialisation de produits dérivés du phoque, tel le Groupe canadien de mise en marché du phoque, l'Institut de la fourrure du Canada et le groupe norvégien GC Rieber Skinn AS. Une association installée au Groenland, la Conférence circumpolaire inuit (ICC), en fait également partie.

Ce dossier empoisonne les relations entre l'UE et le Canada. Le gouvernement canadien, qui a toujours soutenu les chasseurs et condamné l'embargo, va demander à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de mettre en place un groupe spécial pour régler le différend, les premières consultations tenues en décembre dernier n'ayant pas abouti.

L'embargo européen contient une clause autorisant la vente «à des fins non lucratives» des produits provenant de la chasse traditionnelle pratiquée par les communautés inuits, a rappelé Mme Kokkonen.

Mais pour les autochtones, ce n'est qu'un leurre, les acheteurs européens n'entrant pas dans des distinctions délicates et ne voulant pas risquer d'aller à l'encontre d'une décision de l'UE.

Les eaux canadiennes comptaient en 2009 quelque 5,6 millions de phoques du Groenland --l'espèce qui constitue le gros de la chasse commerciale-- contre près de deux millions au début des années 1970.

Selon Ottawa, 6.000 Canadiens pratiquent cette chasse qui devait leur rapporter environ 10 millions de dollars canadiens, selon les chiffres du gouvernement, dont 25% venant de leurs ventes en Europe.