L'inquiétude l'emporte après les négociations de Bonn en vue d'un nouvel accord sur le climat, témoignant de la difficulté à relancer un processus en panne depuis Copenhague malgré la multiplication des signaux alarmants de dérèglements climatiques sur le terrain.

Canicules et incendies de forêt en Russie, inondations massives au Pakistan, sécheresse et crise alimentaire au Niger: les catastrophes s'accumulent, cohérentes avec les prévisions des climatologues, alors que selon l'Agence américaine de l'océan et de l'atmosphère (NOAA), la planète n'a jamais eu aussi chaud qu'au cours du premier semestre de 2010.

Mais ce sentiment d'urgence n'atteint pas les négociateurs des Nations unies, réunis jusqu'à vendredi à Bonn pour préparer la conférence de Cancun chargée de compléter, fin novembre, l'embryon d'accord arraché à Copenhague en décembre 2009 afin de contenir la hausse du thermomètre mondial à 2°C maximum.

«Nous observons des reculades de toutes parts (...) Si nous continuons ainsi, il n'y a aucun espoir d'accord», a avoué vendredi le représentant américain Jonathan Pershing, lors d'une conférence de presse retransmise via Internet. «À ce stade je suis très inquiet. Toute la semaine nous avons vu des pays qui reviennent sur les engagements pris à Copenhague et sur nos accords», a-t-il ajouté au terme des cinq jours de négociations.

Le représentant belge (dont le pays préside l'Union européenne) a également jugé «particulièrement décevant que certains pays qui s'étaient associés à l'accord (de Copenhague) semblent aujourd'hui se dissocier du consensus politique qu'il implique».

Des propos qui visent principalement la Chine et l'Arabie Saoudite, selon un participant, qui relève que: «La Chine était pourtant bien dans la salle, à Copenhague».

De leur côté, les pays les plus pauvres et en première ligne des dérèglements climatiques, auxquels une aide immédiate de 30 mds de dollars sur trois ans (2010-2012) a été promise, s'impatientent: «On en parle peu et les versements sont encore plus rares», a souligné Dessima Williams, représentante de Grenade au nom de l'Alliance des petits États insulaires (AOSIS). «Or on est déjà au mois d'août».

«Il est temps d'insuffler un sentiment d'urgence», a appuyé le délégué du Lesotho, Bruno Sekoli, au nom des pays les moins avancés.

Il est désormais clair que la conférence de Cancun ne verra, au mieux, que l'adoption d'une série de décisions techniques notamment sur la déforestation, les technologies vertes... Loin encore d'un accord global déjà espéré à Copenhague et désormais renvoyé à Johannesburg, fin 2011.

Comment, dans l'intervalle, éviter un vide juridique entre la première phase du Protocole de Kyoto qui expire fin 2012 et l'entrée en vigueur d'un nouveau traité? Et que faire des États-Unis dans ce cadre, eux qui n'ont pas ratifié Kyoto et viennent d'ajourner sine die l'adoption de leur loi climat ?

Le texte censé regrouper l'ensemble des pollueurs sous une même architecture ressort de Bonn encore un peu plus bouffi et confus - «bourré de crochets et illisibles», selon un Européen.

«Il n'est pas sûr que les négociateurs politiques se rendent compte qu'un échec à Cancun serait ressenti comme un échec du processus onusien», déplore le représentant français Paul Watkinson. «Veulent-ils encore négocier pendant cinq ans, totalement déconnectés de la réalité?»

Il ne leur reste plus que cinq jours de négociations avant Cancun, avec un ultime rendez-vous prévu en octobre à Tianjin (est de Pékin), le premier en terre chinoise.