Deux heures de bateau et les rangées d'éoliennes apparaissent enfin, en pleine mer du Nord. C'est une filiale de GDF-Suez qui organise la visite. Elle veut en installer en France, et pour convaincre les plus rétifs, va jusqu'au pays du vent, le Danemark.

À 35 km des côtes de la péninsule du Jutland, les pales des 91 turbines de Horns Rev 2, l'un des plus grands parcs off-shore au monde, tournent à rythme régulier. Elles peuvent fournir de l'électricité à 200 000 foyers, avec une capacité de 209 MégaWatts (MW).

L'embarcation circule entre les immenses mats, qui s'élèvent à 110 mètres au dessus de la surface de la mer.

C'est le troisième voyage organisé pour des journalistes par la Compagnie du Vent qui veut installer un parc similaire au large de la Somme et de la Seine-Maritime, le premier en France. Mais les réticences sont fortes.

Aussi, elle veut montrer l'exemple du Danemark, premier pays européen à s'être lancé dans l'aventure en 1991 et où le vent fournit 22% de l'électricité.

«Il y a beaucoup de contraintes pour l'off-shore, que les fonds ne soient pas trop profonds, que ce ne soit pas une zone protégée, loin des couloirs maritimes et des côtes pour le coté esthétique», explique Jean-Mathieu Kolb, directeur des activités off-shore de la Compagnie du Vent.

Et selon lui, la zone choisie, dans la Manche, est «idéale».

Pas pour tout le monde. La commune du Tréport, qui serait située dans l'axe des éoliennes, est vent debout contre le «projet des deux côtes» et ses 140 mats à 14 km du rivage.

Un projet de 1,8 milliard d'euros qui produiraient l'équivalent de la consommation annuelle de plus de 900 000 personnes.

«Elle réduirait la zone d'activité de nos 240 pêcheurs, le port de pêche serait menacé. Toute la filière touristique serait en péril. A cela s'ajoutent les nuisances pour les riverains», assure la ville dans le cadre du débat public autour du projet.

Avant d'inviter des journalistes, la Compagnie du Vent avait d'ailleurs convié au Danemark la Commission du débat public qui, à son tour, y a emmené une délégation de pêcheurs ...

De la mairie d'Esbjerg -commune au large de Horns Rev 1 (80 éoliennes à 14 km du rivage) et 2-, aux ports de la région, en passant par l'office de tourisme, tous dressent un bilan positif: autant de poissons pêchés, de nouveaux emplois, et plus de visiteurs.

Même si, au début, le projet a aussi fait grincer des dents.

«Il y a eu des discussions autour du positionnement du parc par rapport à la zone de pêche», explique Jens Frich, sous-directeur du comité des pêcheurs du port de Hvide Sande. Du coup, l'emplacement de Horns Rev 2 a été quelque peu modifié.

«Un des grands problèmes a aussi été les câbles sous-marins. Nous leur avons demandé de les enterrer plus profondément, pour des raisons de sécurité», ajoute ce pêcheur, qui assure que le parc n'a pas réduit son activité.

Et si dans le port d'Esbjerg -le premier du Danemark pour le transport d'éoliennes-, on est passé de 200 bateaux de pêche il y a 10 ans à 15 aujourd'hui, «c'est à cause des quotas de pêche de Bruxelles», explique un autre marin, reconverti dans le transport de personnel de maintenance des mats.

Et quel impact sur les poissons? «Pas significatif pour les espèces les plus abondantes et sur la reproduction», assure Carsten Fjorback, du bureau d'études Niras. Quant aux oiseaux migrateurs, ils voient les éoliennes de loin, et le gros des troupes les contournent.

L'exemple sera-t-il suffisant pour lever les inquiétudes en France? La dernière réunion du débat public aura lieu le 9 septembre. La Commission rendra ensuite son bilan.

Mais déjà, le gouvernement affiche sa volonté de donner un coup d'accélérateur à l'éolien en mer, et annoncera à la rentrée une liste de dix sites «propices».