Le fleuve Jourdain, où le Christ fut baptisé selon la tradition chrétienne, ressemble de plus en plus à un ruisseau fortement pollué qui pourrait se retrouver en grande partie à sec dès 2011, avertit l'organisation de défense de l'environnement Amis de la Terre/Proche Orient (FoEME).

«On peut presque franchir ce fleuve d'un bond. À certains endroits, on n'a même pas besoin de sauter, on peut le traverser à pied, l'eau arrivant à hauteur de la cheville», explique Gidon Bromberg, directeur israélien de FoEME.

Ironie du sort, l'une des mesures prises pour sauver le Jourdain contribue à son déclin, note le rapport de l'ONG publié lundi. Israël et la Jordanie se sont mis d'accord pour cesser d'y rejeter des eaux usées, qui devront être traitées dans des stations d'épuration censées entrer en service en 2011.

Mais sans ces rejets d'eaux usées dans la partie basse du Jourdain, la plus large du fleuve, il n'y aura plus d'eau du tout, prévient le rapport. Au coeur d'une région marquée par de fortes tensions politiques, le Jourdain s'écoule du lac de Tibériade à la mer Morte et délimite la frontière entre Israël, le Jordanie et la Cisjordanie.

Au cours des cinquante dernières années, Israël, la Jordanie et la Syrie ont détourné 98% des eaux du Jourdain et de ses affluents pour l'approvisionnement en eau potable et l'agriculture. Le débit du fleuve n'est plus que de 20 à 30 millions de mètres cubes contre 1,3 milliard avant la construction dans les années 1930 du premier barrage sur le cours d'eau.

Ce qui était autrefois la portion la plus étroite du Jourdain est aujourd'hui la plus large, et par endroits, le fleuve n'est plus qu'un mince filet d'eau. Sa partie basse est étouffée par les eaux usées provenant des localités riveraines. Les loutres et d'autres animaux qui vivaient sur ses rives ont disparu depuis longtemps.

Le Jourdain n'a plus grand chose à voir avec le fleuve aux eaux ôôdébordantes» évoqué par la Bible, ou avec la description faite en 1847 par un officier de la marine américaine qui avait noté le ôôbruit assourdissant de (ses) eaux tumultueuses».

Les auteurs du rapport saluent le plan de traitement des eaux usées, mais notent qu'il asséchera une grande partie du fleuve d'ici la fin 2011, car les eaux ainsi traitées, destinées à l'agriculture, ne seront pas rejetées dans le Jourdain. Ils recommandent qu'Israël et la Jordanie réhabilitent le fleuve en l'approvisionnant avec de l'eau pompée dans le lac de Tibériade, la rivière Yarmouk et des eaux usées traitées.

En Israël, des responsables du gouvernement ont indiqué qu'ils envisageaient de pomper de l'eau du lac de Tibériade pour l'injecter dans le Jourdain. «Nous avons un plan pour le Jourdain», a déclaré Alon Zask, du ministère israélien de la Protection de l'environnement. «Mais il faut des décennies pour restaurer et réhabiliter un fleuve», a-t-il ajouté.

Aujourd'hui, la plupart des pèlerins chrétiens qui se rendent en Israël s'immergent dans les eaux du Jourdain à Yardenit, site touristique situé près du lac de Tibériade. Certains écologistes déconseillent vivement les baptêmes dans le fleuve en raison des risques pour la santé que font courir ses eaux polluées.

Israël et la Jordanie revendiquent chacun le lieu biblique du baptême du Christ, les deux sites concurrents se faisant face de chaque côté du fleuve. Côté israélien, le site, baptisé Qasr al-Yahud («château des juifs» ou «traversée des juifs» en arabe), est fermé la plus grande partie de l'année car il est situé dans une zone militaire entourée de champs de mines. Environ 30.000 pèlerins sont autorisés à s'y rendre chaque année, selon les autorités israéliennes, qui ont entamé des travaux de rénovation pour accueillir davantage de visiteurs.

La situation politique compliquée dans la région contribue au déclin du Jourdain. Les programmes de détournement des ressources d'eau douce par Israël et ses voisins arabes font l'objet de critiques réciproques. Le détournement des eaux du Jourdain est également une raison majeure de la baisse spectaculaire du niveau de la mer Morte.