Inconnue du grand public, la firme québécoise de biotechnologie AccelLAB connaît un tel essor qu'elle doit construire des bâtiments pouvant abriter 400 porcs à Boisbriand, à côté d'une communauté hassidim qui n'apprécie guère ces animaux. Les leaders de la communauté, et d'autres citoyens, ont l'intention d'exprimer leurs inquiétudes à l'occasion d'une soirée de consultation organisée mercredi soir par cette ville de banlieue, située au nord de Montréal.

L'entreprise teste des implants cardiaques sur des cochons et, dans une moindre mesure, des implants orthopédiques sur des veaux, des moutons et des chèvres. Les 66 porcs utilisés par AccelLAB sont hébergés dans trois fermes de la région, ce qui oblige les employés à faire des allers-retours continuels. La firme reçoit de plus en plus de commandes, si bien qu'elle doit accroître son cheptel à 400 bêtes.

L'entreprise souhaite héberger les porcs en un seul endroit, chemin de la Rivière-Cachée, juste à l'ouest d'un quartier de Boisbriand qu'habitent 2500 membres de la communauté juive orthodoxe Kiryas Tash, où la viande de porc est bannie.

«Qui a besoin de porcs ici? s'est exclamée la femme de Hirsh Kraus, un des leaders de la communauté, lorsque La Presse a téléphoné à sa résidence. Les enfants n'ont pas besoin de porcs ! Nous n'avons pas envie de sentir leurs odeurs ! Les gens d'ici ne sont pas du tout favorables à ce projet. Mon mari a bien l'intention d'aller à la soirée de consultation publique.» (Hirsh Kraus ne nous a pas rappelé, et sa femme n'a pas voulu nous donner son nom.)

Le Dr Guy Leclerc, président d'AccelLAB, a assuré qu'aucune odeur n'émanerait des nouvelles installations. Les déjections seront entreposées dans un silo fermé et régulièrement transportées et étendues dans des champs des municipalités voisines de Mirabel, de Lachute et de Saint-André-d'Argenteuil, a-t-il dit.

Le ministère du Développement durable et de l'Environnement a délivré un certificat d'autorisation pour «l'implantation d'un nouveau lieu d'élevage porcin avec station de compostage». C'est le titre d'un avis public publié récemment dans un journal local, de quoi troubler la quiétude des citoyens de Boisbriand. Tout nouveau lieu d'élevage porcin doit quand même faire l'objet d'une consultation publique. Celle-ci se tiendra à compter de 19 h, mercredi, à la Maison du citoyen et de la culture de Boisbriand.

«La grogne monte et la consultation publique promet d'être pour le moins mouvementée, a écrit Monique Dumas-Quesnel, résidante du secteur touché par le projet, dans un courriel envoyé à La Presse. La ville cache des choses. Il y a de la politique pas nette là-dessous et ça nous inquiète.»

«Nous trouvons très étrange que la Ville n'ait jamais parlé de ce projet. Heureusement que quelqu'un a lu les avis divers à la toute fin du journal local ! Les élus sont habituellement fort heureux de démontrer leur dynamisme en annonçant tout nouveau projet qui s'apprête à voir le jour sur le territoire. Or, il n'en est rien pour celui-ci.

«Le ministère de l'Environnement a accordé un permis d'élevage porcin. S'il advenait que l'entreprise déménage, ferme ses portes ou je ne sais quoi d'autre, cet emplacement pourrait éventuellement être utilisé pour un élevage de porcs de consommation. Un laboratoire d'expérimentation biomédicale n'aurait-il pas plus sa place dans le parc industriel où il reste justement de l'espace ?»

Le conseiller du district, Mario Lavallée, a dit que les installations actuelles d'AccelLAB n'ont jamais fait l'objet de plaintes, alors qu'elles sont situées à moins de 100 m de résidences. «Les porcs sont brossés et lavés, a-t-il dit. Ils vivent dans des enclos individuels. C'est tellement propre qu'on pourrait manger par terre. Aucune odeur n'est et ne sera perceptible. Cela n'a rien à voir avec une porcherie.»

Une soixantaine de professionnels travaillent dans cette entreprise. Leur nombre dépassera bientôt les 80. Pourquoi ne pas parler de ce projet, qui prévoit un investissement d'environ 12 millions de dollars ? La société n'a jamais cherché la publicité, a répondu M. Lavallée. Depuis sa fondation en 2004, elle n'a fait l'objet d'aucun communiqué, d'aucun reportage ou même de mention dans les médias.

«Nous avons une très bonne réputation et n'avons pas besoin de publicité, a confirmé le Dr Leclerc, président d'AccelLAB. Et puis, même si les bêtes sont très bien traitées, nous craignons toujours un peu le fanatisme de certains groupuscules de défense des animaux.»