La conférence de la CITES n'a apporté sa protection qu'à l'une des quatre espèces de requins qui lui étaient soumises, confirmant le refus, notamment de l'Asie, de réguler le commerce international des espèces marines à forte plus-value.

Après le «non» apposé à l'entrée du thon rouge et aux coraux rouges précieux, trois espèces de requins, surpêchés pour leurs ailerons ou leur viande, sont restées mardi à la porte de la Convention sur le commerce international des espèces sauvages (CITES) à Doha.

Seul le requin-taupe (Lamna nasus), un requin des eaux tempérées dont la population s'est effondrée de 80% ces dernières décennies, fera son entrée à l'Annexe II de la convention - qui autorise les exportations sous contrôle.

L'inscription de ce squale, dont l'Union européenne a fermé la pêche en 2009, avait été vainement proposée en 2007 lors de la précédente conférence.

En revanche, le requin-marteau halicorne (Sphyrna lemini) et le requin océanique (Carcharhinus longimanus) -ou requin à longue nageoire- ont été écartés, ainsi que l'aiguillat commun (Squalus acanthias), également proposé en 2007, consommé en Europe sous le nom de saumonette.

Comme pour le thon rouge ou les coraux, le Japon a mené la danse et fait monter ses alliés au front selon un scénario désormais bien rodé: tour à tour, l'Asie - ici l'Indonésie, principal pêcheur de requins entre 2000 et 2007 selon les registres FAO, l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'Agriculture, - et les Caraïbes expliquent l'impact économique pour leurs populations ou la difficulté, voire «l'impossibilité», d'effectuer des contrôles pertinents sur les cargaisons de poissons ou d'ailerons.

Les délégués japonais ont même été vus, orchestrant depuis leur banc les interventions (Indonésie, Guinée-Bissau, Grenade...) pour réclamer un vote à bulletins secrets.

Cependant, le représentant américain Thomas Strickland laissait entendre mardi soir qu'il allait «maintenir la pression sur la conférence» et tenter de rouvrir le débat d'ici jeudi, en session plénière, afin de «renverser les décisions».

Chaque année, jusqu'à 73 millions de requins sont pêchés dans le monde, dont beaucoup sont rejetés à la mer après découpage de leurs ailerons vendus jusqu'à 100 dollars le kilo sur le marché de Hong-Kong.

«4.200 tonnes de requins-marteau ont été officiellement rapportées à la FAO en 2007, mais l'analyse du commerce d'ailerons laisse penser que 49.000 à 50.000 tonnes ont été réellement pêchées cette année-là», assure Anne Schrooer, économiste de l'ONG Oceana.

Le comité scientifique de la FAO recommandait la protection de la CITES pour ces espèces (sauf l'aiguillat) dont les stocks se sont effondrés notamment en Atlantique - parfois des deux tiers en moins de 30 ans et même de 83% pour le requin-marteau, victimes de surpêche et des prises accessoires.

Tous ces requins figurent sur la liste rouge de l'UICN (Union mondiale pour la conservation de la nature) des espèces au minimum «vulnérables» et au pire en «danger critique» (le requin océanique en Atlantique-Ouest).

Pour ces grands poissons à maturité tardive, jusqu'à 32 ans pour la femelle aiguillat en Pacifique nord-est, «la stratégie de reproduction a parfaitement fonctionné depuis 400 millions d'années. Le problème c'est qu'ils ne sont plus les plus grandes prédateurs des océans: c'est nous», insiste Matt Rands, l'expert requins du Pew environment group, une ONG américaine.

Pourtant, «très peu de pays ont remis en cause les analyses scientifiques, pas même le Japon» a relevé Kevern Cochrane, responsable de la conservation des ressources de la pêche à la FAO. «Le débat porte plutôt sur le rôle de la CITES dans la gestion des espèces marines».