Pompiers et techniciens continuaient jeudi à tenter d'endiguer la progression inexorable de la gigantesque nappe de pétrole qui s'est déversée dans le Pô, le plus grand fleuve d'Italie, une catastrophe écologique provoquée par un sabotage.

«En début d'après-midi les pompiers ont commencé à intervenir dans la zone de Torricella di Sissa (près de Parme, nord) pour endiguer le passage de la nappe», longue de plusieurs dizaines de kilomètres, a annoncé le responsable de la protection civile de Parme, Gabriele Ferrari.

Des milliers de mètres cubes de pétrole ont été déversés mardi dans un affluent du Pô, le Lambro, près de Monza au nord de Milan (Lombardie). La nappe est descendue jusqu'à la région de Piacenza, où elle a contaminé le Pô, et jeudi après-midi elle se trouvait à mi-chemin entre Crémone et Mantoue, à la hauteur de Parme, après avoir parcouru environ 200 km.

«Les interventions les plus lourdes sont prévues dans la zone de Piacenza, où l'on espère que la partie la plus concentrée et épaisse de la nappe pourra être arrêtée avant qu'elle n'atteigne notre territoire», grâce à l'installation de barrières rigides, a expliqué M. Ferrari. Des barrières du même type ont été installées au niveau de l'île de Serafini, près de Crémone.

De son côté, la Vénétie, située plus en aval, s'est préparée à l'arrivée de la marée noire en postant deux embarcations en travers du fleuve pour tenter de récupérer un maximum de pétrole.

«Nous devons faire le maximum pour prévenir et limiter les dommages à l'environnement, mais aussi les éventuelles retombées sur les activités économiques et touristiques dans le delta du Pô, sur la mer Adriatique, une zone unique pour sa beauté et ses délicats équilibres» écologiques, a déclaré le responsable pour la pêche en Vénétie, Isi Coppola.

La pêche a été interdite par les autorités régionales en raison d'«un grave empoisonnement des eaux superficielles». L'organisation agricole Confagri s'est aussi inquiétée de la pollution de la nappe phréatique et des canaux d'irrigation.

C'est un acte de malveillance qui est à l'origine du désastre: les vannes du dépôt de l'ex-raffinerie Lombardi Petroli à Villasanta, près de Monza, ont été ouvertes par quelqu'un qui connaissait visiblement les lieux.

La raffinerie quasiment à l'abandon, qui devait être réhabilitée dans le cadre d'une opération immobilière, n'aurait normalement pas dû abriter de telles quantités de pétrole sans une surveillance adaptée.

La ministre de l'Environnement, Stefania Prestigiacomo, qui s'est rendue jeudi sur place pour évaluer la situation, a lancé «un appel aux magistrats pour qu'ils déterminent rapidement les responsabilités» dans cette catastrophe.

Vittorio Cogliato Dezza, président de Legambiente, la principale association italienne de défense de l'environnement, a pour sa part déploré que «cette situation d'urgence ait été gérée avec des retards incroyables tant de la part du gouvernement que des régions concernées».

Inquiétude aussi du côté du Fonds mondial pour la nature (WWF): «Tout l'écosystème fluvial est en péril et il faut se préoccuper du delta du Pô, une des zones marécageuses les plus importantes d'Italie et d'Europe pour la migration et l'hivernage des oiseaux aquatiques».

Le bassin du Lambro est déjà l'une des régions les plus polluées d'Italie, tandis que la vallée du Pô, le plus important fleuve du pays (652 km), abrite le plus grand bassin industriel de la péninsule. Le delta du Pô est en outre inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco.