Des centaines de camions de ramassage des ordures sillonnent les rues de Californie en utilisant un carburant «vert» produit à partir d'une source sale: des détritus en décomposition issus d'une décharge utilisée depuis 1980 par les habitants et entreprises de la région de San Francisco.

Depuis le mois de novembre, le méthane libéré par la décomposition des déchets à la décharge d'Altamont est aspiré dans des tubes pour être transformé en gaz naturel liquéfié (GNL). Près de 500 bennes à ordures de la compagnie Waste Management utilisent ce carburant écologique en lieu et place du gazole. L'avantage du procédé est double: le méthane, un gaz à effet de serre, est récupéré avant d'être libéré dans l'atmosphère, et le GNL émet moins de dioxyde de carbone que les carburants traditionnels.

La transformation du méthane se déroule dans une usine innovante. «Nous avons construit la plus grande usine au monde de production de GNL à partir d'une décharge: elle génère 49.400 litres de GNL par jour», précise Jessica Jones, de Waste Management. «Cela évitera l'émission de 30 000 tonnes de CO2 par an dans l'environnement.»

Une centaine de puits dotés de tubes noirs disséminés sur le site, situé à 80 kilomètres à l'est de San Francisco, sont chargés d'aspirer le méthane. D'une superficie de 96 hectares, Altamont est l'une des deux décharges de Californie produisant du GNL. L'autre, plus petite, est située à 65km au sud de Los Angeles. Mais Waste Management prévoit d'ouvrir des usines similaires dans le reste du pays.

Les décharges ont tout ce qu'il faut pour produire naturellement du méthane. Des bactéries décomposent les déchets alimentaires, le papier, l'herbe coupée et d'autres détritus organiques. Au fil du temps, les ordures fermentent, libérant du méthane, un gaz à effet de serre 21 fois plus puissant que le CO2, selon l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA).

«Le méthane est le deuxième gaz à effet de serre le plus important après le dioxyde de carbone», souligne dans un courriel Tom Frankiewicz, un responsable de l'EPA, qui précise que le méthane est également «le principal composant du gaz naturel.»

L'idée de transformer les ordures en énergie verte n'est pas nouvelle. Le site d'Altamont alimente depuis 1989 une centrale au méthane capable de fournir de l'électricité à 8 000 foyers. Et cet exemple est loin d'être isolé. Plusieurs centaines de décharges aux États-Unis utilisent le méthane de leurs déchets pour produire du courant.

En 2005, dernière année pour laquelle des données sont disponibles, les centrales électriques fonctionnant au méthane représentaient 10,8% de la production d'énergie renouvelable du pays, électricité hydroélectrique mise à part.

L'usine de transformation du méthane en GNL d'Altamont a coûté 15,5 millions de dollars (10,7 millions d'euros) et quatre agences de l'environnement de Californie ont aidé à son financement. Le site est géré par la société Linde Group North America.

Avec une durée de vie d'une vingtaine d'années, l'usine, qui vend le GNL à Waste Management et à d'autres clients, est potentiellement rentable. Reste que le coût d'une telle installation, bien plus élevé que celui d'une petite centrale électrique, peut être un obstacle.

«Il y a un intérêt croissant, mais (...) ce n'est actuellement rentable que dans les grandes décharges», reconnaît Tom Frankiewicz. «Avec la situation économique actuelle, ce type de programme ne voit le jour que dans les grandes villes des États-Unis.» Mais, ajoute-t-il, cela devrait changer à l'avenir avec la baisse du coût de cette technologie.