«Le soir, pendant au moins une heure, on n'ouvre pas les fenêtres: l'odeur de la décharge est épouvantable», soupire Mme Wang, qui attend son fils à la sortie d'une petite école du nord-ouest de Pékin, une ville qui commence à crouler sous ses ordures.

Devant l'école, proche de la décharge de Liulitun, la jeune femme, qui ne révèle que son nom de famille, raconte les désagréments de la vie à côté d'un des dépôts d'ordures domestiques officiels de la capitale. Les autorités ont reconnu que les sites de Pékin étaient pleins à ras bord et ont annoncé l'été dernier des projets de mise en chantier d'une série de nouveaux centres de traitement des déchets, par biochimie ou incinération notamment.

Des plus de 6,7 millions de tonnes de déchets domestiques de Pékin en 2008, 90% ont été enfouis.

Dans la zone de Liulitun, adossée aux montagnes bordant la capitale, un hameau de maisons basses et délabrées jouxte le site d'enfouissement, encore bordé de vergers poussiéreux et de briqueteries qui contrastent avec l'inexorable avancée de la ville et de la modernité.

Car à deux pas des lieux fleurit depuis quelques années une zone de développement des sciences de la vie, avec ses entreprises de biotechnologie et ses instituts scientifiques.

La décharge de Liulitun elle-même est discrète : un immense site bâché. Aucun effluve n'est perceptible par une belle journée d'automne très ventée.

Alors Mme Zhang insiste: «il faut venir le soir, quand ils aèrent» pour traiter les déchets. Ou par les grosses chaleurs d'été.

Ma Jing, 17 ans, témoigne aussi, en vendant ses friands à la viande: «ce n'est pas tout le temps, mais il y a une odeur, c'est sûr». «Je ne sais pas si c'est bon pour la santé», s'interroge la jeune fille.

«Ca doit forcément avoir une influence sur la santé», affirme pour sa part Zhang. «Beaucoup d'habitants sont partis, remplacés par des gens venus d'autres provinces, comme moi».

La presse chinoise s'est faite l'écho en 2007 de l'opposition ferme à un projet d'incinérateur des habitants de Liulitun, effrayés par la perspective de dégagements de dioxine. Le projet, comme d'autres similaires à Pékin, est suspendu.

Contrairement à des pays comme la France, qui a le plus grand parc d'incinérateurs d'Europe selon des experts de l'Inserm, la Chine n'a pas l'habitude de brûler ses déchets et ses habitants se méfient des incinérateurs.

«À Pékin, à peu près 3% de déchets domestiques sont brûlés, un taux qui devrait passer à 10% avec la mise en service de l'incinérateur de Gao'Antun», dans un des districts centraux de Pékin, explique à l'AFP Wang Weiping, directeur de la Société chinoise pour les Sciences de l'environnement.

Certaines riches villes côtières de l'est et du sud incinèrent bien davantage, mais le procédé est quasi-inexistant dans le centre et l'ouest du pays.

Pourtant, les municipalités chinoises, dont un tiers connaissent une crise des ordures, selon les médias officiels, y viennent, faute de solution.

Car avec l'élévation du niveau de vie, la Chine urbaine s'adonne aux joies de la consommation qui pollue, sans pour autant être entrée dans l'ère du recyclage, toujours artisanalement assuré par des chiffonniers, triant leurs récoltes de cartons et bouteilles à même le pavé de certaines ruelles pékinoises.

Dans les immeubles, la poubelle des produits recyclables est soit vide, soit remplie d'un joyeux mélange.

«Il faut réduire le volume des déchets et en faire des ressources réutilisables», plaide Wang.

Le volume des déchets domestiques de Pékin --17 millions d'habitants-- grossit de 8% par an. La municipalité prévoit qu'il lui faudra traiter quelque 30.000 tonnes quotidiennes en 2015 contre 18.000 aujourd'hui.

Son but est de bouleverser les équilibres entre incinération, biotraitement et enfouissement, pour que leur proportion respective passe à 2-3-5 en 2012 et 4-3-3 en 2015.