L'Europe va mettre en place un nouveau système de contrôle renforcé des pêcheurs, face à la raréfaction des poissons et aux dépassements récurrents des quotas de capture, avec retrait possible des licences et suppression d'aides financières.

Lors d'ardues négociations, les ministres européens de la pêche se sont mis d'accord dans la nuit de lundi à mardi à Luxembourg sur des mesures en ce sens, tout en décidant d'épargner le secteur de la pêche de loisirs, un des points controversés du projet de Bruxelles.

«Jusqu'ici, les pêcheurs pouvaient enfreindre les règles (de préservation des stocks de poisson) sans qu'on le remarque», a souligné le commissaire européen à la Pêche, le Maltais Joe Borg.

Ce sera plus difficile désormais avec la généralisation de déclarations électroniques des captures en mer, l'extension de systèmes de surveillance satellite des navires et la mise en place de sanctions à l'encontre des pêcheurs, mais aussi des pays contrevenants.

Jusqu'alors tenus de déclarer leurs prises dans de simples carnets de bord, les pêcheurs devront faire des déclarations électroniques, ce qui permettra de mieux croiser les données.

Et surtout, les contrevenants seront désormais sanctionnés par des suspensions de leurs licences de pêche, voire par un retrait en cas de récidives.

Quand un pays dépassera son quota, il sera diminué l'an suivant d'un facteur multiplicateur de 1,5. Et pour les États qui n'appliquent pas bien les mesures de contrôle requises, Bruxelles pourra suspendre le versement d'aides du Fonds de la pêche de l'UE.

Les pêcheurs du dimanche resteront néanmoins largement épargnés par ce nouveau règlement: les ministres européens ont en effet retoqué ce point très controversé proposé par Bruxelles, qui consistait à déduire l'impact de la pêche de loisirs des quotas alloués aux pêcheurs professionnels pour les espèces menacées (cabillaud, thon rouge).

«Nous ne voulions pas pénaliser à la fois les pêcheurs de loisirs et les pêcheurs professionnels», s'est justifié le ministre français Bruno Le Maire, qui, aux côtés notamment des Britanniques et des Allemands s'est opposé à cette idée.

La Commission européenne visait essentiellement l'industrie touristique des sorties de pêche (pêche au gros, sorties de pêche à la ligne en haute mer...) ou le braconnage sous couvert de pêche récréative, dont certains scientifiques estiment qu'ils ont un impact non négligeable sur les stocks.

Les prises faites depuis la côte, ou dans les lacs et les rivières, n'étaient pas concernées.

Les Européens se sont finalement mis d'accord pour lancer une évaluation scientifique de l'incidence de la pêche de loisirs. Avec à la clé la possibilité pour les États d'instaurer des obligations de déclarations de prises aux pêcheurs amateurs.

En France, le gouvernement entend désormais mettre en place une «charte de bonnes pratiques» pour la pêche de loisirs et se donne deux ans pour évaluer son effet, selon M. Le Maire.

Les défenseurs de l'environnement ont salué l'accord trouvé à Luxembourg, dont la plupart des dispositions pourront entrer en vigueur dès le 1er janvier 2010.

«Les inspecteurs de l'UE auront un rôle renforcé», s'est réjoui l'eurodéputé écologiste Ra-l Romeva, qui note aussi que l'amélioration de la traçabilité permettra de lutter contre les fraudes à bord des bateaux, par le biais de transbordements non déclarés.

Il s'agit d'un «premier pas» vers une application plus efficace des règles, reconnaît aussi Aaron Mc Loughlin, du WWF.

Mais il regrette néanmoins que les ministres aient maintenu la possibilité d'une «marge d'erreur» de 10% dans les déclarations de prises, «ce qui est en quelque sorte une forme de tricherie légalisée».