Les pressions du gouvernement Harper pour laisser tomber plusieurs dispositions du protocole de Kyoto ont poussé les représentants de dizaines de pays en développement à quitter la salle pendant l'allocution d'un représentant canadien à la conférence de Bangkok la semaine dernière, a appris La Presse Canadienne.

L'incident est survenu lors des négociations sur le climat, en Thaïlande, lorsque la délégation canadienne a suggéré de remplacer le protocole de Kyoto par un tout nouveau pacte environnemental, selon un négociateur sur place et des notes rédigées par d'autres participants.

Un fossé grandissant en matière de changements climatiques entre les pays industrialisés et les nations en voie de développement a été étalé au grand jour la semaine dernière lorsque des représentants de 180 pays se sont réunis à Bangkok pour jeter les bases de nouvelles normes environnementales avant que ne vienne à échéance, dans un peu plus de deux ans, la phase initiale du protocole de Kyoto.

Les nations émergentes souhaitent l'implantation de règles qui viendront compléter celles du protocole de Kyoto. Cependant, les délégués canadiens ont fait savoir qu'ils préféreraient remplacer Kyoto par un tout nouveau pacte, selon les notes de la rencontre.

La délégation canadienne était apparemment ouverte à l'idée d'inclure «certaines, sinon toutes» les dispositions de Kyoto dans un nouveau pacte, précisent les notes.

A ce moment, les délégués d'Afrique du Sud se sont levés et sont sortis, suivis par ceux des 77 nations en développement, à l'exception de quelques petits Etats insulaires.

«Selon nous, la discussion venait alors de prendre fin et les pays du G77 ont quitté la pièce», a confirmé en entrevue Joanne Yawitch, une déléguée sud-africaine. Les pourparlers ont repris le lendemain, a-t-elle ajouté.

«Notre intention n'est pas de nous retirer en plein coeur d'un processus de négociations, a fait remarquer Mme Yawitch. Mais nous croyons que certains éléments de discussions sortent des cadres du mandat juridique.»

Les représentants des nations en développement se sont dits perturbés à l'idée que le Canada et d'autres pays industrialisés veuillent copier des éléments de Kyoto dans un nouveau pacte.

«Vous ne pouvez faire du «copier-coller» dans un traité qui a été ratifié, a illustré Mme Yawitch. Il faut le rouvrir et renégocier les éléments que vous voulez ajouter. Et nous craignons que ça nous mène vers un document beaucoup moins incisif.»

Le ministre canadien de l'Environnement, Jim Prentice, n'a pas commenté la sortie en bloc des représentants des pays émergents.

Le protocole de Kyoto lie 37 pays industrialisés - dont le Canada, mais pas les Etats-Unis - à réduire d'ici 2012 les émissions de gaz à effet de serre de 5,2 pour cent des niveaux de 1990. L'ancien président américain George W. Bush avait refusé de le signer.

Le Canada, les Etats-Unis, les pays d'Europe et l'Australie, entre autres, exigent un pacte qui forcera les plus grandes nations en développement, comme la Chine et l'Inde, à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Le gouvernement canadien a passé la majeure partie de la dernière année à aligner sa politique environnementale avec celle de l'administration Obama aux Etats-Unis.

Les pays industrialisés soutiennent que la lutte à la réduction des gaz à effet de serre sera vouée à l'échec à moins que tous les grands pollueurs ne réduisent leurs émissions. Les nations en développement ripostent que des cibles obligatoires nuiraient à leur économie, encore en croissance.

Ces nations s'opposent également à l'idée de devoir respecter des contraintes identiques à celles des pays industrialisés qui sont, affirment-elles, responsables de la grande majorité des gaz à effet de serre dans l'atmosphère.

C'est dans ce contexte que les pays cherchent à s'entendre sur un nouveau traité sur le réchauffement climatique avant le début de la Conférence de Copenhague, en décembre.