Surgissant du pont de Triborough en provenance du Bronx, le camion-benne rouge crache vers le ciel une épaisse fumée noire: deux voitures de la «police de l'environnement», sirènes hurlantes, se lancent à sa poursuite.

Le chauffeur pollueur a l'air étonné et même dubitatif lorsqu'il voit sortir d'une voiture tout-terrain vert foncé ornée de trois mystérieuses lettres «DEC» (Department of Environmental Conservation) un tout jeune homme en uniforme également vert, coiffé d'un Stetson. Il s'agit pourtant bien d'un officier de police, portant à son ceinturon un pistolet et des menottes. «On nous prend souvent pour des gardes forestiers, il y en a qui plaisantent et nous demandent où sont les cerfs, mais quand ils entendent le montant de la contravention et comprennent qu'ils sont convoqués au tribunal ils rient moins», raconte à l'AFP Timothy Machnica, 24 ans, originaire de Buffalo. Il travaille à New York depuis l'automne 2008 dans ce département qui existe depuis 1880 et compte quelque 300 policiers dans l'État de New York.

Chargés de faire respecter les réglementations de chasse et de pêche dans le reste de l'État, ils ne sont qu'une vingtaine pour toute la ville de New York. Ils traquent les pollueurs et les contrevenants aux normes environnementales, et enregistrent environ 300 infractions par mois, un chiffre qui augmente à mesure que la conscience écologique s'aiguise.

Brent Wilson, 26 ans, collègue de Tim Machnica, prend dans son coffre un opacimètre, l'installe au dessus du tuyau d'échappement, et le verdict tombe comme un couperet: pour ce véhicule datant de 1986, l'opacité maximale tolérée est de 55%, or l'appareil indique 81%. Un procès-verbal est établi pour 700 dollars, une amende qui pourra être réduite à 150 dollars si le véhicule est mis aux normes dans les 30 jours. Dans le cas contraire, la facture monte à 1.300 dollars.

Laissant le chauffeur décontenancé, les deux voitures quittent Harlem et se dirigent vers Chinatown, pour se livrer à une autre de leurs activités quotidiennes, l'inspection des marchés aux poissons. «Nous vérifions la taille des poissons pour les espèces protégées, et puis surtout l'origine des fruits de mer, parce que l'importation en provenance de certaines mers est interdite aux États-Unis», explique Tim Machnica.

S'enfonçant dans la cohue de Mott Street où le chinois est la langue dominante, les «Robin des bois» de l'environnement s'arrêtent chez un petit poissonnier. Près d'un seau plein de grenouilles vivantes, ils désignent un panier de palourdes. «Où est l'étiquette avec la provenance?», demandent-ils au patron qui ne parle pas l'anglais, paraît furieux et appelle quelqu'un pour traduire.

Lui aussi s'en sort avec une amende de 500 dollars pour non étiquetage de la marchandise, et une convocation au tribunal pour le 30 juillet.

«On commence à nous connaître et à craindre nos incursions ici», dit Tim Machnica, qui entre dans un supermarché où résonne une musique pop chinoise et où les étals regorgent de haricots verts géants et de pattes d'alligators.

«Demain nous allons au grand marché au poisson de Fulton dans le Bronx, nous serons une vingtaine de policiers. Nous ne sommes pas assez nombreux pour une si grande ville, mais chez nous aussi la récession frappe, nous avons entendu dire qu'il n'y aura pas d'embauche avant 2011 et que les officiers partant à la retraite ne seront pas remplacés», déplore-t-il.