L'industrie de la récupération sonne l'alarme. Frappés par l'effondrement des marchés boursiers, les centres de tri du Québec demandent un investissement massif du gouvernement provincial et le retrait des sacs de plastique des bacs à recyclage.

«Présentement, nous ne sommes pas au bord du gouffre, mais bien dans le gouffre», a dit hier Frédéric Potvin, vice-président du comité des centres de tri du Réseau Environnement et directeur général de Tricentris. «Et, pas de centres de tri, pas de recyclage.»

 

Son regroupement devait envoyer une lettre hier à la ministre de l'Environnement Line Beauchamp. La décision de s'adresser au gouvernement a été prise à la suite de rencontres d'urgence mercredi et hier entre Recyc-Québec et les principaux acteurs de l'industrie du recyclage.

À perte

La majorité des 40 centres de tri du Québec, qui embauchent 2400 personnes, fonctionnent à perte depuis la mi-octobre. Depuis trois mois, le carton et le papier mixte ont perdu plus de 90% de leur valeur sur les marchés. Les centres de tri, qui exportent en Asie, trouvent peu d'acheteurs. Les matières recyclables s'accumulent dans les entrepôts en attendant que la crise se résorbe.

«À ce rythme-là, nous allons tous faire faillite dans les prochaines semaines», a prévenu M. Potvin. Son organisme sans but lucratif gère trois centres de tri à Terrebonne, Lachute et Chelsea. Depuis un mois, ses pertes se chiffrent à 300 000$. La faillite le guette au début de janvier, dit-il.

En plus d'un investissement de plusieurs millions, les centres de tri veulent bannir les sacs de plastique de la récupération. Selon eux, le triage des sacs exige trop de main-d'oeuvre et la matière se vend peu sur le marché.

Il a été impossible hier de parler à la ministre Beauchamp. Son attachée de presse, Véronique Aubry, a souligné que Recyc-Québec devait remettre à la ministre ce matin un compte rendu de la rencontre entre les acteurs de l'industrie. «On est au fait qu'il y a un problème au niveau des centres de tri et on regarde la situation de près», a dit Mme Aubry.

Cascades

Les acteurs de l'industrie papetière, dont Cascades, ont pris part à la rencontre d'hier. Dans une lettre publiée dans nos pages Forum aujourd'hui, le président et chef de la direction de Cascades, Alain Lemaire, envisage une autre solution. M. Lemaire plaide pour une meilleure concertation entre les acteurs de l'industrie du papier recyclé. D'une part, souligne-t-il, les centres de tri ont d'importants surplus. Mais paradoxalement, les papetiers importent des vieux papiers de l'Ontario et du nord-est des États-Unis. Chez Cascades, 50% proviennent de l'extérieur.

Pourquoi? «Une vaste portion de la matière traitée ici est inadéquate pour les besoins de l'industrie papetière québécoise. (...) Préoccupés jadis par la demande exponentielle de la Chine, certains récupérateurs du Québec ont réduit le tri à sa plus simple expression», explique M. Lemaire.

Ce dernier demande à l'industrie de la récupération d'«investir pour améliorer la qualité de sa fibre» et à Recyc-Québec de «réaménager la chaîne d'approvisionnement». «Si la tendance se maintient, écrit-il, nous sommes à quelques jours de voir une partie de ces matières prendre le chemin des sites d'enfouissement.»

«Présentement, on a un genou à terre, et ce n'est pas le temps de nous dire d'embaucher 25 personnes de plus», a réagi Frédéric Potvin, affirmant que la matière d'ici est difficile à trier en raison des saisons québécoises et de la grosseur des bacs. M. Potvin rejette l'idée que les centres de tri enfouissent leur surplus. Un geste qui serait «totalement contre leur mentalité», dit-il.

Karel Ménard, directeur général du Front commun pour une gestion écologique des déchets, est d'avis que l'on doit aider les centres de tri au plus vite. Selon lui, cette aide financière pourrait provenir d'une hausse de la taxe à l'enfouissement et des entreprises qui produisent les biens. «Si on ne les aide pas, dit-il, ils fermeront, et c'est très difficile de remettre sur pied un centre de tri. Nous risquons de reculer de 20 ans en matière de récupération.»