Déjà aux prises avec un inquiétant problème d'érosion des berges, la Côte-Nord pourrait voir le problème s'aggraver avec la construction prochaine de quatre barrages sur la rivière Romaine.

Malgré cela, Hydro-Québec refuse d'étudier la question en profondeur, accuse l'Agence de la santé et des services sociaux de la région.

Selon les informations obtenues par La Presse, l'Agence est insatisfaite du traitement réservé par Hydro-Québec à ses recommandations. Dans une lettre datée de juillet dernier, elle soulignait que ce problème était «à considérer dans le contexte de lutte contre l'érosion des berges», en enjeu d'une grande importance dans ce coin du Québec.

Depuis, rien, déplore le directeur de la santé publique de la Côte-Nord, Raynald Cloutier. «Nous n'avons pas eu de suivi formel sur cette question», a-t-il indiqué en entrevue.

Or Hydro-Québec reconnaît dans sa propre étude d'impact que son projet hydroélectrique pourrait avoir un certain impact sur l'ensablement du territoire. «L'effet de rétention des réservoirs fera en sorte que l'embouchure (de la rivière) sera privée annuellement de 3200 tonnes à 5200 tonnes de sable», peut-on lire.

Pour l'Agence, cela justifie la mise en place d'un rigoureux suivi du problème dans le cadre de la construction et de l'exploitation du complexe. «Nous pensons qu'un suivi du recul des berges attribuables à la baisse de l'apport sédimentaire devrait être modélisé et des mesures d'atténuation proposées le cas échéant», écrivait l'Agence dans un avis transmis plus tôt cette année au promoteur.

Pour le Dr Cloutier, cette recommandation mériterait d'être prise davantage au sérieux par le promoteur, car il s'agit d'un enjeu «extrêmement problématique». «On s'apprête à changer le débit d'une rivière pendant un certain temps, ce qui pourrait avoir un effet sur l'érosion. C'est une théorie, d'où l'importance de faire un tel suivi», précise-t-il.

 

Érosion record

 

Au cours des dernières années, les scientifiques ont constaté un taux d'érosion record sur la Côte-Nord, mais aussi dans les régions du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. On estime qu'environ le tiers des 15 000 kilomètres de côtes le long du Saint-Laurent est touché par ce problème.

Parmi les raisons de cette érosion subite, on compte l'adoucissement des hivers, qui provoque une diminution de la couverture de glace sur le fleuve, l'augmentation du nombre de tempête et de vagues en hiver ainsi que la hausse du niveau de la mer, liée aux changements climatiques.

Dans son étude d'impact, et surtout dans les réponses aux questions des diverses parties, Hydro-Québec consacre de nombreuses pages à la question de l'érosion. Elle soutient, en gros, que son projet n'aura qu'un impact négligeable.

«La charge sédimentaire annuelle à l'embouchure de la Romaine sera légèrement réduite par rapport aux conditions actuelles», note-t-elle, mais elle atteindra ensuite «un nouvel équilibre».

«Quelque 9200 tonnes de sédiments par année transitent de la Romaine vers l'embouchure de l'estuaire, note Marie-Elaine Deveault, porte-parole de la société d'État. Toutefois, ces sédiments sont captés par une fosse profonde au large de l'embouchure. En conditions futures, ce sont 6000 tonnes par année de sédiments qui continueront de parvenir à l'embouchure.

L'Agence de la santé se dit néanmoins «insatisfaite» des réponses du promoteur, car ce dernier «exclut tout suivi concernant le littoral adjacent à l'embouchure de la rivière Romaine et les possibles répercussions sur les populations qui l'occupent».

Hydro-Québec compte construire sur la Romaine, à 50 km au nord de Havre-Saint-Pierre, quatre aménagements hydroélectriques d'une puissance installée de 1550 MW, et d'une capacité annuelle moyenne de production de 8 TWh.

Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement a annoncé hier la tenue de la deuxième partie de la consultation à compter du 1er décembre prochain.