Les grandes pétrolières sont averties: leur implication dans les sables bitumineux albertains pourrait les acculer à la faillite, de la même façon que les subprimes ont poussé certaines institutions financières américaines à leur perte.

Jugeant la production de pétrole beaucoup trop chère et polluante, d'influents groupes d'investisseurs britanniques préviennent en effet les géants de l'industrie, comme BP et Shell, du risque élevé qu'ils encourent en investissant massivement dans l'Ouest canadien.

 

Montrant du doigt la fluctuation du prix du pétrole, les réglementations environnementales de plus en plus sévères et la hausse importante des coûts d'exploitation des sables bitumineux, entre autres, ils recommandent aux pétrolières de revoir de fond en comble leur stratégie énergétique.

«Il y a de fortes chances que les sables bitumineux deviennent pour l'industrie pétrolière ce que les crédits hypothécaires à risque (subprimes) ont été pour le secteur bancaire», a lancé il y a quelques jours Mark Hoskin, associé de la firme en placement éthique Holden&Partners.

Ce propos a été tenu dans la foulée de la publication d'un rapport des organismes Greenpeace UK et PLATFORM qui, la semaine dernière, soutenaient que les pétrolières investissent dans les sables bitumineux uniquement pour compenser la révision à la baisse de leurs réserves pétrolières. On cite le cas de la multinationale Shell, dont près du tiers des réserves prouvées sont aujourd'hui enfouies dans les sables bitumineux du Canada.

Pour le UK Social Investment Forum ainsi que pour d'autres firmes britanniques d'investissement, comme Co-operative Investments, Innovest et Holden&Partners, cela prouve l'approche «à trop court terme» des géants de l'industrie, prêts à se lancer à n'importe quel prix dans une aventure risquée et polluante.

Doléances grandissantes

Il s'agit d'un nouveau front sur lequel devront se battre les pétrolières impliquées en Alberta. Les investisseurs en question s'ajoutent en effet à la liste de plus en plus longue d'opposants internationaux aux sables bitumineux, dont les écologistes américains et britanniques, les candidats à la présidence américaine et la Californie.

Les conclusions du rapport de Greenpeace, tout comme les propos des grands investisseurs, ne sont d'ailleurs pas étrangers aux doléances grandissantes qui accompagnent la production de pétrole bitumineux. Écolos comme investisseurs s'interrogent sur la pertinence d'investir des milliards de dollars en Alberta, au moment où une partie du marché se referme pour le pétrole bitumineux: la Californie veut fermer ses portes au pétrole dont la production est trop polluante, le candidat Barack Obama a laissé entendre que le pétrole bitumineux pourrait être exclu d'une éventuelle stratégie énergétique des États-Unis, etc.

On fait également valoir l'explosion récente des coûts de la main-d'oeuvre, de plus en plus difficile à dénicher; la hausse des coûts du transport du pétrole bitumineux vers les États-Unis; la facture potentielle des poursuites déposées par les communautés avoisinantes affectées par les lourds dégâts environnementaux, etc.

Comme pour leur donner raison, la pétrolière Syncrude a annoncé mardi une hausse très importante du coût de son projet de réduction des émissions de gaz à effet de serre. D'abord évaluée à 772 millions, la facture atteint aujourd'hui quelque 1,6 milliard de dollars. «Nous avons toujours su que les sables bitumineux étaient un risque pour le climat, mais il appert de plus en plus qu'ils représentent aussi un important risque financier», a commenté Mike Hudema, de Greenpeace Canada.

L'actualité récente donne d'ailleurs des munitions supplémentaires aux environnementalistes, qui voient dans la volatilité du prix du brut une confirmation de leur propos. Les sables bitumineux étant intéressants uniquement lorsque le coût du baril de pétrole dépasse 100$, selon certaines estimations, une éventuelle baisse du prix pourrait avoir un effet dévastateur pour les pétrolières.

Le baril a clôturé à un peu plus de 105$US, hier, à New York.

Pour en savoir plus: greenpeace.org.uk/risingrisks