Sans tambour ni trompette, le gouvernement publiera ce matin le rapport très attendu du BAPE sur l'agrandissement du dépotoir de Lachenaie, à l'est de Montréal. En vacances, la ministre de l'Environnement, Line Beauchamp, ne commentera pas le document, une situation qui inquiète déjà les résidants du secteur, farouchement opposés au projet.

Pour Marcel Bouillon, le paisible quartier de la Presqu'île, à Repentigny, était le compromis idéal entre la ville et la campagne. À quelques minutes de Montréal, sa cour donne sur un vaste champ. Au loin broute un grand cheval brun.

«Aujourd'hui, c'est pas pire», confie-t-il, pendant que le soleil fait place à de sombres nuages.

Depuis quelques années, l'expansion du site d'enfouissement, situé à quelques kilomètres de chez lui, se fait sentir jusque dans sa cour. Littéralement. Les jours humides, le secteur de la Presqu'île est envahi par une odeur pestilentielle.

«On est venus à la campagne en s'attendant à sentir la campagne, a-t-il relaté. Au lieu de ça, ça sent les déchets.»

Pas d'illusions

Quelques maisons plus loin, Serge Beauchamp ne se fait guère d'illusion. Depuis des années, les habitants de son quartier sont mobilisés pour empêcher l'expansion du dépotoir géré par l'entreprise BFI. Et depuis des années, leurs efforts restent vains.

Il a assisté à toutes les assemblées citoyennes, vu des dizaines de voisins signifier leur opposition au projet devant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Le mutisme du ministère de l'Environnement ne fait que renforcer ses inquiétudes.

«Je me dis qu'il y a trop d'argent en jeu, dit-il, dépité. C'est sûr que le gouvernement va donner le feu vert.»

Le ministère de l'Environnement n'est pas seul à se faire discret. Au cours des derniers jours, BFI s'est terrée dans un silence absolu et n'a donné aucune suite à de nombreuses demandes d'entrevue.

Malgré l'opposition des résidants, les gestionnaires des villes environnantes croient peu probable que le BAPE tranche dans le même sens qu'en 2003, alors qu'un projet d'agrandissement du site de Lachenaie avait été rejeté. Cette décision n'avait pas empêché l'ex-ministre de l'Environnement, Thomas Mulcair, de permettre à l'entreprise de poursuivre ses activités pendant cinq ans.

En avril, la ministre Beauchamp a d'ailleurs prolongé cette autorisation pour un an, estimant qu'il n'y avait pas d'autre solution.

«De fermer le site complètement, ce serait assez radical, convient le responsable de la gestion des matières résiduelles, Pierre Gravel. Il n'y a pas que Montréal qui va là.»

N'empêche, la métropole est l'un des principaux clients du dépotoir : 50% de ses déchets y sont enfouis.

À Charlemagne, non loin de Lachenaie, le maire Normand Grenier se doute bien que le projet sera accepté, malgré la colère de ses concitoyens. Après tout, le site reçoit chaque année 1,3 million de tonnes de déchets. «Où est-ce qu'on va les mettre?» demande-t-il.

Il espère toutefois que le gouvernement forcera les municipalités à accélérer leurs programmes de recyclage et de compostage, de manière à réduire progressivement l'afflux d'ordures dans la cour de ses concitoyens. À cet égard, il en a surtout contre Montréal, qui a récemment repoussé de 10 ans son objectif de récupérer 60 % des matières recyclables produites sur son territoire.

«Jamais ils n'atteindront 60%, dénonce-t-il, ils ne font pas d'efforts.»

Le projet permettrait d'augmenter de 92 hectares la superficie du dépotoir de Lachenaie et de poursuivre son exploitation jusqu'en 2025.