Pour démontrer les dangers qui menacent les océans du globe, les scientifiques disposent désormais d'un nouvel indicateur: l'évolution des populations de manchots. L'espèce souffre en effet de plus en plus du réchauffement climatique, de la pollution maritime ou encore du développement du tourisme.

Selon P. Dee Boersma, biologiste de l'université de Washington, le déclin des populations de manchots est en effet le signe que les conséquences des activités humaines commencent à atteindre les régions même les plus reculées de la planète.

«On en voit maintenant les effets dans les endroits les plus lointains du monde», explique-t-elle dans un article publié dans l'édition de juillet de la revue Bioscience. «On pensait que beaucoup de manchots seraient protégés car ils sont éloignés des populations humaines. Mais ce n'est pas vrai».

Selon les scientifiques, il existe aujourd'hui entre 16 et 19 espèces de manchots, sur lesquelles seules une poignée, comme le manchot royal vivant sur les îles du nord de l'Antarctique, sont en expansion, précise Mme Boersma.

Selon l'Union internationale pour la préservation de la nature, trois espèces sont aujourd'hui en danger, sept sont considérées comme vulnérables et «risquent l'extinction à l'état sauvage», et deux autres sont «proches d'être menacées». Il y a une quinzaine d'années, seules cinq à sept espèces étaient classées comme vulnérables, indiquent les experts. Et le Service fédéral américain de la pêche et de la faune (FWS), qui a déjà placé une espèce de manchots sur sa liste d'animaux en danger, envisage d'en ajouter une dizaine.

La plus large colonie de pingouins de Magallanes vit en Patagonie, à Punta Tombo (Argentine). Mais le nombre de couples -le manchot vit en couple- y est passé d'environ 400 000 à la fin des années 1960 à environ 200 000 en octobre 2006, selon l'étude de P. Dee Boersma. Autre chiffre alarmant: sur un siècle, la population de manchots africains est passé de 1,5 million à 63 000.

Ce déclin général est le résultat de plusieurs facteurs, la plupart liés à l'activité humaine.

Pour les manchots d'Adélie -l'espèce la plus nombreuse et la plus connue- qui aiment la glace et le froid, le réchauffement climatique dans la péninsule occidentale de l'Antarctique est un problème, en ce qu'il rend notamment plus difficile la recherche de nourriture, selon Phil Trathan, spécialiste des manchots aux services britanniques d'étude de l'Antarctique.

Les manchots de l'archipel des Galapagos, au large des côtes équatoriennes, souffrent du phénomène climatique El Nino, qui réchauffe les eaux de l'océan Pacifique et les oblige à se déplacer plus loin pour trouver de la nourriture et à parfois abandonner leurs petits. À la fin de l'année 1998, où El Nino a été le plus puissant, les femelles ne pesaient ainsi que 80% de leur poids moyen.

Des pollutions aux hydrocarbures touchent également régulièrement les côtes d'Uruguay, d'Argentine et du Brésil, contribuant ainsi au déclin des manchots de Punta Tombo, selon P. Dee Boersma.

Les causes peuvent être différentes selon les endroits, mais le déclin général des populations «vous envoie un message clair», résume Phil Trathan. Et pour Susie Ellis, spécialiste des manchots, «ce qui arrive aux manchots pourrait arriver à beaucoup d'autres espèces, et peut-être aux humains, dans quelques années».