Le gouvernement du Canada a très certainement surévalué cette année encore sa capacité à réduire ses émissions de gaz à effet de serre et l'efficacité de son plan de lutte contre les changements climatiques. Étonnamment, Ottawa devrait prendre exemple sur les États-Unis - souvent qualifiés de cancres en matière environnementale - et le Royaume-Uni pour corriger certaines de ces lacunes, conclut un comité consultatif fédéral dans deux rapports dévoilés hier.

La Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie estime que certaines pratiques d'évaluation des programmes de lutte contre les effet de serre en vigueur au pays de l'Oncle Sam font partie des meilleures aux monde. «On entend surtout parler du manque d'engagement des États-Unis vis-à-vis des GES, mais ce qu'on connaît moins, c'est qu'ils ont fait beaucoup sur le plan de la méthodologie, de la planification et de la gouvernance. Le Canada peut donc apprendre des États-Unis», a indiqué à La Presse Francine Dorion, vice-présidente du comité.

À titre d'exemple, les États-Unis se sont dotés d'une agence statistique indépendante (Energy Information Administration) chargée de réviser et d'établir toutes les prévisions des émissions de gaz à effet de serre.

Ce processus n'existe pas au Canada. Cela ne conduit pas nécessairement à des prévisions inexactes, «mais des questions se posent lorsque l'organisme central n'est pas indépendant et n'a pas le pouvoir de déroger aux données et aux analyses qu'il reçoit des autres ministères» relèvent les membres de la Table. Le Canada aurait tout intérêt à se doter lui aussi de systèmes de révision indépendants, réguliers et rigoureux, a précisé hier Mme Dorion.

La Table note aussi que les États-Unis semblent mieux outillés pour évaluer l'impact des mesures antérieures sur les programmes actuels. Les pratiques mises au point par l'Energy Information Administrations sont qualifiées d'exemplaires parce qu'elles intègrent des notions de croissance économique, démographique et énergétique. Si le Canada avait fait la même chose, ses prévisions d'émissions de GES auraient eu plus de crédibilité.

C'est en 2007, après avoir constaté un important écart entre les prévisions du gouvernement relatives aux émissions de GES et les données réelles mesurées par Statistique Canada, que la Table ronde a décidé de passer en revue la politique en place dans les autres pays industrialisés.

Dans son rapport sur la mise en oeuvre du protocole de Kyoto 2008, aussi dévoilé hier, la Table remarque que la situation s'est améliorée depuis 12 mois. Les doublons, qui faisaient en sorte que l'impact de certain programmes était calculés plus d'une fois, ont notamment été corrigés. Les conservateurs ont aussi progressé du côté de la transparence: les rapports sur les changements climatiques sont plus transparents et les politiques sont plus étoffées cette année.

Reste que le comité confirme qu'Ottawa ne respectera pas les engagements qu'il a pris dans le protocole de Kyoto. Il ne sera pas non plus en mesure d'atteindre ses objectifs de réduction d'émissions nettes ou créditées pendant cette période. Les émissions du Canada devraient excéder les unités permises d'environ 30%, avec des émissions excédentaires moyennes de 189 Mt par année jusqu'en 2012.

Le comité doit produire en janvier prochain un rapport sur les mécanismes que le Canada devrait adopter pour réduire ses émissions de GES de 65% d'ici à 2050.