Résumé des réponses de notre chroniqueur à vos questions sur le nouveau paysage politique québécois et ses enjeux

Qu’est-ce qu’il faudra pour forcer le gouvernement à réformer le mode de scrutin ? La population semble le réclamer plus que jamais. — Phil

Il faudrait que la pression populaire soit énorme pour que François Legault change d’idée. Pour l’instant, les libéraux s’opposent à la réforme. Elle a donc très peu de chances d’advenir.

On dirait que l’opposition officielle, c’est Montréal. Est-ce que cette impression de Montréal contre le Québec est exagérée ? — Math. F.

Si on considère la région du grand Montréal, en incluant la couronne nord et sud, la CAQ est bien représentée. On peut parler de l’île de Montréal, du 450, de la Capitale-Nationale et aussi des villes en région. Je pense donc que le clivage est un peu plus compliqué que Montréal contre les régions. J’ajouterais que cette division s’observe aussi au Canada. Mais vous avez raison, la CAQ a gagné avec un nombre très faible de députés sur l’île. C’est du jamais vu. Il y a une rupture.

Un parti politique qui n’a aucun député élu peut-il avoir accès au Parlement et avoir son bureau ? — Lucie

Non. Un parti sans élu ne peut avoir accès aux ressources de l’Assemblée nationale. Il reçoit par contre un financement public proportionnel à son nombre de votes.

Croyez-vous qu’un mode de scrutin électronique (à distance) verra le jour au Québec sous peu ? — Martina

Un projet-pilote a été fait sur la scène municipale. Élections Québec y réfléchit. Mais nous en sommes encore loin. Des chercheurs ont déjà essayé de vérifier si cela hausserait le taux de participation. La réponse est oui, mais de façon très, très faible. Ce n’est pas la meilleure solution pour que les gens votent davantage.

Seuls la CAQ et le PLQ respectent les critères nécessaires pour être des partis reconnus à l’Assemblée nationale (20 % du vote ou 12 députés). À quoi peuvent ressembler les négociations du côté de QS et du PQ pour obtenir ce statut ? — Francis B.

Ces négociations se font au Bureau de l’Assemblée nationale, une instance gérée par les différents partis politiques. Les critères pourraient en théorie être changés pour que le PQ soit reconnu, mais cela nécessiterait l’appui des autres partis. C’est loin d’être gagné.

Comment ça fonctionnerait, une proportionnelle ? Qui déciderait de l’identité des députés ? — Bruno

Il existe de nombreuses formes de mode de scrutin proportionnel. Voici un résumé de la proposition soumise par le gouvernement caquiste dans son projet de loi :

Selon la formule proposée, les Québécois voteraient deux fois. Le premier vote serait pour un député de circonscription, élu sous la formule actuelle. Le second vote serait pour des députés de liste, élus par un scrutin proportionnel dans chacune des 17 régions administratives du Québec.

Le nombre de députés resterait à 125. Par contre, le nombre de circonscriptions chuterait à 80. Il y aurait 80 élus selon le mode de scrutin actuel, qui représenteraient des circonscriptions agrandies. Et il y en aurait 45 autres qui viendraient des listes et représenteraient l’une des régions.

Les caquistes ont toutefois dilué l’élément de proportionnalité à leur avantage. Pour faire élire un député par le système de listes, un parti doit récolter au moins 10 % d’appuis. Sinon, il est exclu de la proportionnelle. Ce seuil sert à éliminer les partis extrémistes et marginaux. Mais la barre des 10 % est très haute. Elle aurait empêché les solidaires et les adéquistes de se qualifier à leurs débuts.

À ma connaissance, un seul pays impose un seuil si élevé : la Turquie, qui n’est pas une démocratie modèle.

Le nombre élevé de régions affaiblit aussi la proportionnelle. Plus il y a de régions, moins il y a de députés élus selon la liste. Prenons un exemple extrême pour l’illustrer. Imaginons que le Québec était divisé en 125 régions. Il y aurait donc de la place pour un seul député par région. Qu’il soit choisi par une proportionnelle ou par la méthode actuelle n’y changerait rien : il n’y en aurait qu’un de toute façon !

Quel sera le nouveau rôle de Bernard Drainville à l’Assemblée nationale ? — Leonie

Bernard Drainville sera fort probablement ministre. De quel ministère ? Difficile à dire. La décision n’est pas encore prise. La composition d’un conseil de ministres est possiblement le défi le plus périlleux pour un premier ministre. Il doit chercher notamment un équilibre entre le sexe, la région, l’âge et la formation professionnelle tout en offrant à la fois de stabilité et de la nouveauté. C’est un jeu de chaise musicale qui sera fait par M. Legault et sa garde très rapprochée.

Suzanne Roy aux Affaires municipales ? — Jacinthe

C’est un dilemme pour M. Legault. D’un côté, elle détient l’expertise requise pour le devenir. Peu de caquistes connaissent aussi bien le dossier. Mais elle serait vite confrontée à ses anciennes déclarations et prises de position à titre de présidente de l’Union des municipalités du Québec.

C’est une question à deux volets. Avec une très forte majorité de sièges de la CAQ, à quoi pouvons-nous nous attendre en termes de temps de parole des députés de l’opposition et potentiellement de la représentation médiatique de ceux-ci ? — Vincent

Pour le temps de parole, cela fera l’objet de négociations entre les partis. Pour la visibilité médiatique, cela relève de la discrétion des médias. Une convention veut qu’en campagne électorale, les médias essaient d’accorder une visibilité à peu près équivalente aux différents partis. Cela n’existe pas le reste du temps.

Lors de sa nomination sans opposition, Dominque Anglade ne semblait pas être le choix de l’estalishment du parti. Il me semble que le parti devrait quand même la reconduire dans les circonstances actuelles. Partagez-vous cette vision ou en somme, quel sort l’attend selon vous ? — François

Vous avez raison, une partie de l’establishment du parti manœuvrait pour opposer une candidature à Mme Anglade lors de la précédente course. Cela pouvait être interprété de deux façons : ils voulaient éviter un couronnement pour lui donner la chance de débattre et de se faire valoir, ou encore ils voulaient éviter son élection. Pour la suite, Mme Anglade devra tôt ou tard faire face à un vote de confiance. Ce seront alors les militants, et non la direction du parti, qui décideront.

Pensez-vous qu’un député de la CAQ de l’est du Québec pourrait être ministrable ? — Nathalie B.

Il est certain que la CAQ nommera au moins un ou une députée de l’est du Québec au conseil des ministres, ne serait-ce que pour des questions de représentation régionale. La région a notamment élu Kateri Champagne Jourdain, première femme députée autochtone de l’histoire du Québec, et l’ex-maire de Baie-Comeau, Yves Montigny.

Est-ce que le retrait de la candidate de QS a vraiment influencé le vote dans Camille-Laurin et est-ce que PSSP aurait pu perdre ? — Olivier C.

Il m’apparaît évident que le retrait de la candidate de QS a eu un impact sur l’élection dans Camille-Laurin. L’effet est difficile à mesurer précisément en ce moment. Mais on peut rappeler qu’avant son désistement, Paul St-Pierre Plamondon n’était pas donné gagnant et qu’une ex-candidate à l’investiture de QS avait appelé à voter pour le PQ il y a quelques jours.

Éric Duhaime a perdu de façon convaincante dans Chauveau. Croyez-vous que la victoire ait été possible s’il s’était présenté dans Beauce Sud ou Nord ? — Sergio

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Je tiens pour acquis que M. Duhaime est le candidat conservateur le plus connu et le plus aimé par les sympathisants du parti. Si un autre candidat en Beauce a obtenu un plus grand pourcentage de votes que son chef, il me semble que M. Duhaime aurait pu faire encore mieux. Mais bien sûr, cela reste hypothétique et il est trop facile de juger avec le recul. Au moment de se présenter dans Chauveau, le choix de M. Duhaime se défendait. C’est là que le parti avait le plus de membres.

Pourquoi dit-on que 60 % des Québécois n’ont pas voté pour la CAQ alors que 33 % des Québécois n’ont pas voté ? — Gilberto

Votre question permet de faire une distinction utile entre deux choses : les électeurs inscrits sur la liste électorale et les électeurs qui ont voté. Parmi les électeurs éligibles, seulement 68 % ont voté. Parmi ces 68 %, une proportion de 41 % a appuyé la CAQ.

Avec l’arrivée de plusieurs députés ministrables à la CAQ, croyez-vous qu’il y aura une refonte des ministères pour augmenter le nombre de sièges disponibles au conseil des ministres ? — Annik

Pour M. Legault, ce serait une tentation. C’est ce que Bernard Landry avait fait en augmentant le nombre de ministères. Une autre option est de créer des postes de ministres délégués, qui ne requièrent pas de mettre sur un pied un ministère avec une équipe de fonctionnaires. Mais M. Legault sait que s’il exagère, il sera critiqué. Après tout, il promettait en 2018 de réduire la taille de l’État.

Quel est l’impact à votre avis du clivage générationnel que vient à nouveau de confirmer cette élection en raison de la force de QS chez les jeunes et de la domination de la CAQ chez les moins jeunes ? — Olivier

C’est une vaste question à laquelle il est difficile de répondre en peu de mots ! Il est normal que les jeunes n’aient pas les mêmes préférences électorales que les gens plus âgés. Cela dit, M. Legault devrait être inquiet de voir qu’une si vaste proportion de jeunes soit sceptique de ses propositions en environnement. Et inversement, M. Legault est sans doute inquiet du fait qu’une proportion plus grande des jeunes ne fait pas de la protection du français une priorité. Dans les deux cas, je n’y vois pas une bonne nouvelle.

Pourquoi ne pas avoir un système électoral à 2 tours comme ce qui se fait en Europe et qui est efficace ? — Robert

C’est une idée légitime, mais aucun parti ne la défend au Québec. Pour que la réforme fonctionne, il faut que tous les partis s’entendent sur le nouveau mode de scrutin. Ce travail a déjà été fait et ils ne voudront pas le reprendre à zéro. La solution trouvée était le mode de scrutin proportionnel mixte. Cela dit, chaque mode de scrutin a ses avantages et ses inconvénients.

La CAQ n’est (presque) pas représentée à Montréal. La métropole sera-t-elle un peu, beaucoup ou énormément négligée par le gouvernement ? En d’autres mots, la CAQ va-t-elle continuer à s’opposer à la Ville ? — GL

La réponse courte est : regardez le mandat de 2018-2022. La CAQ avait deux députés sur l’île. Leur attitude ne risque pas de changer énormément. Certains dossiers étaient menés avec une saine collaboration, d’autres comme le REM de l’Est furent plus laborieux.

Pensez-vous qu’une aussi grosse députation va être un défi pour François Legault et la CAQ ? On ne fait pas de politique pour être député d’arrière-ban, et si tout le monde veut un poste important, certains seront déçus. — Annie

Le défi sera énorme en effet. Les députés ambitieux qui n’auront pas été nommés au conseil des ministres auront beaucoup de temps libre… M. Legault devra trouver une façon de les occuper. Dans le passé, des premiers ministres ont souvent subi les foudres de députés qui avaient été laissés sur le banc. Un bon exemple : Pierre Paradis sous Jean Charest.

Est-il farfelu, selon vous, de supposer qu’il existe au sein de la CAQ une aile de droite susceptible d’être tentée de rejoindre le PCQ advenant que les choses aillent un peu moins bien pour la CAQ dans quelques années ou si le PCQ a le vent dans les voiles ? — JFM

Dans l’hypothèse où le PCQ devait avoir nettement plus d’appuis que la CAQ, ce serait théoriquement possible. Mais je ne vois aucun scénario à court ou moyen terme où cela adviendrait.

Quel est votre sentiment sur l’avenir de Paul St-Pierre Plamondon ? — Filipus

M. St-Pierre Plamondon a réussi à faire de la politique autrement. Il a mené une très belle campagne d’idées. Son parti ne devrait pas le dégommer, car il n’y a pas d’option de rechange évidente et, car il a réussi à faire augmenter le nombre de votes grâce à sa bonne campagne.