(Québec) Ce n’est pas une vague, c’est un raz-de-marée caquiste qui a déferlé sur le Québec cette fois… sauf à Montréal. François Legault décroche haut la main un deuxième mandat majoritaire à l’Assemblée nationale, où sa domination est encore plus forte face à des partis de l’opposition tous affaiblis.

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Il a récolté 41 % des voix et a raflé 90 des 125 sièges, du jamais-vu depuis Robert Bourassa en 1989 à l’époque du bipartisme PLQ-PQ (50 % et 92 sièges). C’est tout un balayage caquiste dans le contexte d’une offre politique élargie.

« On a eu un message clair, un message fort. Ce soir, les Québécois nous ont dit : continuons ! », a lancé François Legault devant des militants euphoriques réunis au Théâtre Capitole à Québec.

« C’est une victoire historique : on a fait élire le plus grand nombre de femmes de toute l’histoire du Québec ! » Une première femme autochtone met les pieds au parlement, la caquiste Kateri Champagne Jourdain, élue dans Duplessis (Côte-Nord).

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Des partisans au rassemblement de la Coalition avenir Québec

Les quatre autres partis se partagent des miettes dans la composition de la Chambre. Ils obtiennent un score semblable, entre 13 % et 15 % chacun.

Le Parti libéral du Québec (PLQ) s’accroche à son titre d’opposition officielle malgré un creux historique. Les conservateurs se font barrer la route du parlement, alors qu’Éric Duhaime est le seul chef de parti à mordre la poussière. Québec solidaire (QS) fait du surplace. Le Parti québécois (PQ) survit avec trois députés.

Une élection, ça divise. Pourtant, je pense qu’il y a bien plus de choses au Québec qui nous rassemblent qu’il y en a qui nous divisent.

François Legault, premier ministre du Québec

« Les Québécois forment un grand peuple. Et quand je dis les Québécois forment un grand peuple, je parle de tous les Québécois, de toutes les régions, de tous les âges, de toutes les origines. Je vais être le premier ministre de tous les Québécois », a ajouté M. Legault, répétant le même message en anglais.

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François Legault faisant son arrivée lundi soir au Théâtre Capitole à Québec

Victoire rapide

Il n’y a eu aucun suspense lundi soir. Seulement quelques dizaines de militants et d’employés politiques étaient arrivés à temps au Capitole pour assister à la confirmation de la victoire, huit petites minutes après la fermeture des bureaux de vote à 20 h.

Par rapport à la situation au déclenchement des élections, la Coalition avenir Québec (CAQ) bondit de 76 à 90 députés, un gain de 13. Il a amélioré son score d’environ quatre points, alors qu’il avait eu 37,4 % des suffrages en 2018.

Le Québec est largement peint en bleu CAQ. Mais une île de deux millions d’habitants résiste au coup de pinceau.

À Montréal, la CAQ détient toujours deux sièges. Chantal Rouleau (Pointe-aux-Trembles) s’est fait réélire et conservera de toute évidence sa place autour de la table du Conseil des ministres, et le parti a ravi Anjou-Louis-Riel aux libéraux.

Pour le PLQ, c’est une raclée qui passe à l’histoire. À 14 %, la formation récolte 10 points de moins qu’il y a quatre ans. Par rapport à la situation à la dissolution de la Chambre, son équipe est réduite, passant de 27 à 21 députés. La cheffe Dominique Anglade conserve son fief, mais le bilan sera douloureux. Le PLQ est confiné dans le Grand Montréal, où il a perdu des plumes par ailleurs. Seule exception : André Fortin est réélu dans Pontiac, en Outaouais.

QS remporte 11 sièges, un de plus qu’en 2018. La députée sortante de Sherbrooke, Christine Labrie, l’a emporté contre la candidate vedette de la CAQ, Caroline St-Hilaire. QS a aussi gagné dans Maurice-Richard, là où la CAQ fondait des espoirs avec l’avocate Audrey Murray, qui présidait la Commission des partenaires du marché du travail. Par contre, le parti de François Legault a ravi à QS Rouyn-Noranda–Témiscamingue, alors que le dossier de la Fonderie Horne a retenu l’attention à l’échelle nationale.

Le PQ est quasi rayé de la carte. Il n’a fait élire que trois députés. Son chef Paul St-Pierre Plamondon a son billet pour entrer à l’Assemblée nationale. Pascal Bérubé a conservé facilement Matane-Matapédia, alors que Joël Arseneau aux Îles-de-la-Madeleine a tenu tête au caquiste Jonathan Lapierre, le maire de la localité.

Le Parti conservateur du Québec (PCQ) échoue à s’emparer d’au moins une circonscription et à maintenir sa présence à l’Assemblée nationale. La victoire du député caquiste sortant Sylvain Lévesque contre Éric Duhaime a déclenché une explosion de joie au Théâtre Capitole — l’une des plus fortes de la soirée d’ailleurs.

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Rassemblement caquiste au Théâtre Capitole à Québec, lundi soir

Réforme du mode de scrutin

Avec le résultat de lundi soir, il est évident que le débat sur une réforme du mode de scrutin sera relancé.

Dans son discours, François Legault a manifesté son intention de « parler individuellement » avec chacun des autres chefs afin de voir « comment on peut travailler ensemble pour tous les Québécois ». « C’est sûr qu’on va avoir encore des différends, des désaccords, c’est normal, mais je veux qu’on travaille sur ce qui nous unit », a-t-il affirmé.

Le premier ministre a tenu à « mettre au clair » une chose : « tous les partis sont en faveur de l’immigration » et aucun « ne rejette les nouveaux arrivants », « contrairement à ce qu’on voit ailleurs ». « L’immigration est une richesse », et « l’intégration à notre belle nation est un cadeau mutuel qu’on se fait ». Il a enchaîné en disant que « le plus grand devoir d’un premier ministre » est de « protéger la langue française ». « Qu’on le veuille ou non, l’avenir du français, ça passe beaucoup par notre capacité d’intégrer en français ceux et celles qui ont choisi de bâtir leur avenir au Québec », a-t-il soutenu.

Dans les prochains mois, on va se parler de façon respectueuse, comme on est capables de le faire au Québec. Je suis certain qu’on va arriver avec une vision pour rassembler tous les Québécois derrière notre langue commune.

François Legault, premier ministre du Québec

La vice-première ministre sortante Geneviève Guilbault a offert aux médias sa propre analyse des résultats. « Les gens trouvaient qu’on avait bien géré la pandémie, trouvaient qu’il y avait quelque chose d’ingrat dans le fait d’avoir été un peu obligé de s’occuper de ça au lieu de s’occuper d’autres choses. Ils veulent nous laisser une chance, un plein mandat de quatre ans pour qu’on continue. »

À ses yeux, « le signal est clair que les gens des deux régions (Québec et Lévis) veulent un troisième lien ».

Il faut remonter aux années 1990 pour trouver une formation politique, en l’occurrence le Parti québécois, ayant obtenu deux mandats majoritaires d’affilée comme François Legault. Le gouvernement libéral de Jean Charest, qui a régné de 2003 à 2012, avait eu un mandat minoritaire en 2007-2008 entre ses deux majorités à l’Assemblée nationale.