(Québec) De nouvelles révélations sur le rôle du cabinet-conseil McKinsey durant la pandémie donnent un nouveau souffle à la demande de commission d’enquête sur la gestion de la pandémie par le gouvernement Legault. Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, a lancé le bal vendredi, suivi de ses homologues du Parti libéral du Québec, de Québec solidaire et du Parti québécois.

Le gouvernement a versé des millions de dollars à la firme de consultants McKinsey grâce à des contrats octroyés sans appel d’offres. Radio-Canada en a rajouté une couche vendredi en rapportant que la firme recevait 35 000 $ par jour durant les premiers mois de la crise pour conseiller le gouvernement. En tout, le gouvernement lui aurait versé 1,7 million pour une aide à la préparation de son plan de déconfinement. Cette somme s’ajouterait aux 5 millions pour un appui dans la préparation du plan de relance économique post-pandémie, comme l’avait déjà rapporté La Presse en 2021.

« Ce qui me dérange, c’est que cette firme-là avait des contrats avec une compagnie pharmaceutique, a expliqué le chef conservateur en conférence de presse. Elle recommandait au gouvernement de discuter avec Pfizer, elle demandait au gouvernement de passer une entente avec Pfizer, alors que c’était son propre client. »

L’un des contrats signés avec le gouvernement québécois stipulait que la firme n’avait pas à divulguer qui étaient ses autres clients, selon l’enquête de Radio-Canada.

Éric Duhaime a dénoncé au passage le manque de transparence du gouvernement alors dirigé par la Coalition avenir Québec de François Legault, tout comme les attaques subies par la députée conservatrice Claire Samson lorsqu’elle a posé des questions sur McKinsey. Il estime qu’il doit y avoir une commission d’enquête publique sur le rôle qu’a joué cette firme.

« C’est vrai que c’est quand même curieux que ce soit nous qui défendons le rôle d’une fonction publique indépendante, mais en même temps qui pense que ça prend un pare-feu des situations comme celles-là entre le public et le privé. Chacun a des fonctions à jouer », a reconnu le chef conservateur qui prône une réduction de la taille de l’État et une plus grande place pour le privé en santé. 

Les autres partis réagissent

En point de presse à Montréal, le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a profité de l’occasion pour réitérer la demande unanime des partis de l’opposition afin d’avoir une commission d’enquête publique et indépendante sur la gestion gouvernementale de la pandémie. François Legault a toujours refusé d’accéder à leur requête.

Pendant qu’il y avait du monde sur le terrain qui demandait à être écouté, François Legault a préféré écouter les consultants privés d’une firme multinationale [et] il les a payés 35 000 piastres par jour, alors que le monde sur le salaire minimum ne fait même pas ça pendant une année complète. C’est indécent.

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

« Ce qui est totalement inapproprié, c’est qu’on n’a aucune information par rapport à ça, c’est que s’il y avait des besoins auxquels on n’était pas capable de [répondre], la population aurait dû être mise au courant », a commenté à son tour la cheffe libérale, Dominique Anglade.

« On a le droit de savoir si la pandémie a été gérée par une firme privée », a fait valoir le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon. Pour lui, ce n’est pas le fait que le gouvernement ait fait appel à une firme privée qui est problématique, mais plutôt le manque de transparence. « On a le droit de savoir si on a littéralement délégué à une firme privée la gestion de la pandémie », a-t-il résumé.

« Une bonne idée »

Lors d’une mêlée de presse à Amos, François Legault a justifié le recours à la firme McKinsey. Il a précisé que « ce n’est pas le politique qui a pris ce contrat-là, c’est la haute fonction publique ».

« C’était une bonne idée selon moi. Pourquoi ? Parce qu’il y avait une crise mondiale, et on voulait prendre les meilleures mesures pour sauver le plus de vies », a-t-il affirmé. « Une expertise pour gérer une pandémie qu’on n’avait pas eue depuis 100 ans, non », il n’y en avait pas à l’interne.

« L’urgence de la situation justifiait d’agir rapidement » et de conclure un contrat de gré à gré, donc sans appel d’offres, selon lui. « Ils sont chers », chez McKinsey, a-t-il reconnu, tout en rappelant que « c’est une des firmes qui ont le plus de mandats des gouvernements dans le monde ».

Au bout du compte, « c’était moi et mon équipe qui prenions les décisions. Mais je pense que les recommandations qu’on a eues, entre autres, de McKinsey nous ont aidés à sauver des vies », a-t-il plaidé. Il soutient que l’idée de former 10 000 préposés aux bénéficiaires était « totalement » la sienne et qu’elle n’avait pas été mise en œuvre à la suggestion de la firme américaine.

Avec la collaboration de Hugo Pilon-Larose, Fanny Lévesque et Charles Lecavalier, La Presse