Propos sur l’immigration Anglade estime que Boulet doit perdre ses fonctions, Duhaime réclame son retrait

(Québec et Montréal) Jean Boulet doit être dépouillé de toutes ses fonctions ministérielles dès maintenant, estime Dominique Anglade. Éric Duhaime réclame quant à lui le retrait de la candidature du ministre sortant. Ce dernier compte demeurer en poste.

« Je ne comprends même pas pourquoi il est encore ministre puisqu’il est disqualifié. […] Est-ce que c’est quelqu’un qui pourrait être ministre dans un autre ministère avec les propos qu’il a eus ? », a demandé jeudi la cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ), Dominique Anglade. Elle croit que Jean Boulet devrait perdre sur-le-champ toutes ses fonctions ministérielles.

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a affirmé mercredi que M. Boulet s’est « disqualifié » comme ministre de l’Immigration, en affirmant dans un débat électoral sur ICI Mauricie–Centre-du-Québec que « 80 % des immigrants s’en vont à Montréal, travaillent pas, ne parlent pas français ou n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise ».

Jean Boulet est ministre sortant du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration ainsi que ministre responsable de la Mauricie.

Ses propos, qui ont refait surface une semaine plus tard, ont rapidement choqué. M. Legault le garde toutefois comme candidat dans la circonscription de Trois-Rivières. M. Boulet s’est excusé mercredi.

« S’il est disqualifié, il devrait perdre ses fonctions aujourd’hui », a asséné M^me Anglade lors d’un déjeuner en compagnie de ses candidats de la région, à Sherbrooke. Elle dénonce par ailleurs que les propos de François Legault sur le fait que de hausser les seuils d’immigration au-delà de 50 000 serait « suicidaire » sont « indignes » du poste de premier ministre.

« François Legault ne peut pas se cacher derrière Jean Boulet. Si Jean Boulet a tenu ces propos-là, c’est que quelque part, il est cautionné par toute la politique de division de la CAQ. […] Les propos ont été indignes et les Québécois auront à faire un choix », a-t-elle ajouté en mêlée de presse. Elle croit que les « Québécois se réveillent » et rappelle qu’ils auront un choix à faire le 3 octobre.

« Je ne comprends pas comment M. Legault peut dire dans la même phrase qu’il est disqualifié et inviter les gens de Trois-Rivières à voter pour lui dans la même phrase, a dénoncé le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, en conférence de presse. Ça ne fonctionne pas. »

« M. Boulet s’est disqualifié. Il ne peut être plus sur les bulletins de vote », a-t-il ajouté. Il ne va pas jusqu’à demander que le chef caquiste François Legault se retire lui aussi.

En entrevue à CHOI Radio X, M. Duhaime a refusé de dire que M. Boulet est raciste ou xénophobe lorsque l’animateur lui a demandé. « Je n’aime pas ça, qualifier les gens de racistes, a-t-il répondu. Il s’est quand même excusé. Je ne l’accuse pas d’être un raciste, mais je pense que ses commentaires sont tellement déplacés que ça le disqualifie. »

Des déclarations qui rappellent le racisme systémique 

En point de presse à Montréal, le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, n’a pas demandé la démission du ministre Boulet. Selon lui, le député de Trois-Rivières ne fait que dire tout haut ce que plusieurs caquistes pensent tout bas.

Le candidat solidaire dans la circonscription de Maurice-Richard, Haroun Bouazzi, a pour sa part affirmé que M. Boulet et M. Legault, par leurs propos, se font complices du racisme systémique au Québec.

« Le racisme systémique, c’est quoi ? C’est quand une institution participe à créer des inégalités. Le premier ministre représente une institution. Le ministre Boulet représente une institution. Et malheureusement, leurs propos participent aux inégalités au Québec. C’est vraiment très dommage que plutôt que de combattre le racisme systémique, on s’en fasse complice », a-t-il dit.

« Je pense particulièrement aux jeunes, qui se sentent Québécois, qui font partie de l’identité québécoise. Vous imaginez la violence qu’ils vivent ? Ils sont nés ici et tout ce qu’on leur dit, c’est qu’il y a un problème avec leurs parents. Un problème avec eux. Un problème avec leur religion. Qu’ils seraient même une source de violence. C’est absolument déplorable », a ajouté M. Bouazzi.

Boulet compte rester en poste

Lors d’une entrevue au micro de Paul Arcand sur les ondes du 98,5 FM jeudi, M. Boulet a indiqué qu’il n’a « absolument pas » l’intention de démissionner. « Ce ne sont pas quelques secondes qui reflètent une carrière professionnelle et politique qui s’est amorcée il y a quatre ans », a-t-il dit.

M. Boulet dit avoir eu mercredi une « conversation » avec François Legault. « On s’est expliqué. Je comprends la décision qu’il a prise », a-t-il évoqué, réitérant toutefois sa confiance envers le premier ministre. Pour le reste, dit-il, la conversation est « totalement personnelle et privée ».

Il dit être « tellement peiné d’avoir blessé des personnes immigrantes » et assure que ses propos étaient « inappropriés, inacceptables, impromptus ». « Ça a été fait dans un débat où j’avais une période de temps extrêmement limitée. […] Ce n’est pas le reflet de ma pensée, ni de mon action, ni de ce que j’ai fait comme ministre », s’est-il justifié peu après.

Pour M. Boulet, la réalité est que le taux de chômage des personnes immigrantes est certes « plus élevé » que « les autres personnes » à Montréal, « mais il n’est pas de 80 % » comme il l’avait laissé entendre. « Ce que je voulais essentiellement dire, c’est qu’il faut s’améliorer en régionalisation et en accueil des personnes immigrantes », a soulevé le ministre.

Vérification faite : le taux d’emploi des immigrants établis à Montréal est en effet plus faible que le reste de la population. Selon les plus récentes données de Statistique Canada, il est de 62,2 %, contre 63,3 % pour les gens nés au Canada et résidant sur l’île.

François Legault maintient sa décision de conserver Jean Boulet dans toutes ses fonctions ministérielles, y compris à l’Immigration, d’ici la formation éventuelle d’un nouveau conseil des ministres. M. Boulet ne pourrait pas être ministre de l’Immigration au cours d’un deuxième mandat caquiste car il s’est « disqualifié », a réitéré M. Legault jeudi, tout en précisant qu’il pourrait tout de même donner une autre place à M. Boulet autour de la table du conseil des ministres.