Tout au long de la campagne, La Presse visite des circonscriptions où rien n’est joué, à la rencontre des électeurs, des candidats, et des enjeux qui leur tiennent à cœur. Aujourd’hui : Jean-Lesage.

(Québec) La lutte s’annonce serrée dans la circonscription de Jean-Lesage, où une bataille sur fond d’environnement oppose solidaires et caquistes.

Le député sortant, Sol Zanetti, n’y va pas par quatre chemins. Si la Coalition avenir Québec (CAQ) est élue dans Jean-Lesage après avoir permis aux industriels de rejeter plus de nickel dans l’air, ce sera selon lui un message pour tout le Québec.

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Le député sortant solidaire de Jean-Lesage, Sol Zanetti, a fait du porte-à-porte vendredi dernier sur la 4Avenue, dans Limoilou.

« La CAQ va se croire tout permis en matière d’environnement, lâche le candidat solidaire en entrevue. Je me sens une responsabilité nationale de gagner ici. Ils ne peuvent pas se dire qu’ils peuvent refaire ça ailleurs et que ça va passer. »

Son élection surprise il y a quatre ans s’était jouée au fil d’arrivée. Il n’avait obtenu que 699 voix de plus que la caquiste Christiane Gamache.

Cette retraitée de l’enseignement a décidé de se représenter. Le match revanche aura vraisemblablement lieu, puisque l’agrégateur de sondage Qc125 place Québec solidaire (QS) et la CAQ au coude-à-coude dans Jean-Lesage.

La décision du gouvernement Legault de hausser la limite permise de nickel rejeté dans l’air a mené à une levée de boucliers des groupes citoyens dans cette circonscription de Québec où se trouve un incinérateur, une usine de pâtes et papiers et les activités de transbordement du port.

Avant même la hausse de la norme, une centaine de dépassements des concentrations de nickel avaient été constatés dans une station de mesure du quartier Limoilou depuis 2013. Aucune sanction n’avait été appliquée par Québec.

La candidate de la CAQ tente de se faire rassurante. Elle rappelle que le gouvernement a installé de nouveaux capteurs pour mesurer la qualité de l’air dans ce secteur urbain. Québec a aussi créé un comité pour étudier la question de la qualité de l’air notamment dans le quartier Limoilou.

« Ça fait 30 ans que je vis dans le quartier Lairet, qui est dans Limoilou. S’il y avait une dangerosité, s’il y en a une qui serait au courant, ce serait bien moi. Je ne resterais pas sur place, je déménagerais », assure Mme Gamache en entrevue.

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Christiane Gamache, candidate de la CAQ dans Jean-Lesage, a profité d’un évènement partisan dans un centre commercial de Beauport vendredi dernier pour rencontrer des électeurs.

Elle tient un discours similaire sur le troisième lien. Le tunnel autoroutier cher à la CAQ doit sortir à la limite de Jean-Lesage, dans un secteur déjà enclavé par les autoroutes.

« J’habite tout près d’où pourrait sortir le troisième lien. Alors, vraiment, s’il pouvait y avoir une dangerosité, je déménagerais. Je ne resterais pas chez moi », assure Mme Gamache, qui invite la population à faire confiance au Bureau de projet du tunnel.

Entre le Plateau et la banlieue

L’élection de M. Zanetti avait surpris bien des observateurs en 2018. Aux côtés de Catherine Dorion, il a formé la moitié moins flamboyante du duo solidaire de Québec à l’Assemblée nationale.

Cette fois-ci, la campagne solidaire dans Jean-Lesage se targue de compter près de 400 militants, 150 de plus qu’il y a quatre ans.

Je suis persuadé qu’on va faire un meilleur score. La question, c’est comment la CAQ va faire. C’est plus difficile à prévoir dans une dynamique à cinq partis.

Sol Zanetti, candidat solidaire et député sortant de Jean-Lesage

Le professeur en communication politique à l’École nationale d’administration publique Philippe Dubois note que Jean-Lesage est une circonscription particulière, ce qui rend toute prédiction hasardeuse.

« Elle est à cheval sur les quartiers centraux et le début de la banlieue. On a Limoilou, qui est le quartier de Québec qui ressemble plus au Plateau Mont-Royal, et on a Beauport. L’électorat change d’un coin de rue à l’autre », note M. Dubois.

Vendredi soir dernier, Sol Zanetti a cogné aux portes des immeubles d’appartements de la 4Avenue, dans Limoilou, pour convaincre des électeurs.

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Roque Jesus, un habitant de Limoilou, a pris quelques minutes pour discuter de politique avec Sol Zanetti.

Un homme originaire du Brésil ouvre la porte. Il ne connaît pas le député sortant, dit ne pas savoir pour qui voter. Zanetti, qui était professeur de philosophie au cégep avant d’être député, commence à parler de politique brésilienne. Roque Jesus n’aime pas le président de droite Jair Bolsonaro. Il écoute Zanetti lui parler d’environnement et de redistribution des richesses. C’est suffisant pour lui : il lui promet son vote.

La candidate de la CAQ assure qu’elle fait aussi beaucoup de porte-à-porte. Ses adversaires lui reprochent toutefois d’avoir refusé de participer à deux débats locaux.

« Elle est absente partout », accuse la candidate du Parti conservateur du Québec (PCQ) dans la circonscription, Denise Peter. « Elle a fait un petit débat à Radio-Canada et elle lisait ses notes, ne répondait pas aux questions. »

Christiane Gamache répond qu’elle est sur le terrain. « On ne peut pas dire que je suis absente. Je fais du porte-à-porte, je vais dans les évènements, je vais rencontrer les gens. Pour ce qui est des débats, je suis allée à Radio-Canada, et ç’a été enregistré. Les gens peuvent en prendre connaissance. »

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La candidate caquiste Christiane Gamache discutant avec des électeurs dans un centre commercial de Beauport, vendredi

Mme Gamache dit qu’elle veut travailler à la mise en place de la Phase 4 de la promenade Samuel-De Champlain dans Beauport, pour ouvrir l’accès au fleuve. Elle assure aussi vouloir « porter la voix des citoyens auprès du premier ministre ».

Sol Zanetti dit avoir des doutes. Il rappelle que Mme Gamache occupe le poste de vice-présidente de l’est du Québec au conseil exécutif de la CAQ.

« Ça sonne comme un titre avec de l’influence. Comment ça, elle n’a pas utilisé son influence pour que le gouvernement n’aille pas dans ce sens-là [avec le nickel] ? »

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La 3e avenue, dans le Vieux-Limoilou

Charles Robert, candidat du Parti libéral du Québec, et Michaël Potvin, du Parti québécois, vont tenter de brouiller les cartes. Leur performance lundi pourrait sceller l’issue du scrutin, croit Philippe Dubois.

« Il y a deux inconnues. S’il y a, comme on le soupçonne, un effondrement du vote libéral à Québec, il faudra voir où iront ces votes, dit-il. D’autre part, jusqu’à quel point le PCQ pourra gruger dans les appuis de la CAQ à Beauport, et permettre à QS de se faufiler ? »

Les résultats de 2018

  • Sol Zanetti (QS) : 34,7 %
  • Christiane Gamache (CAQ) : 32,4 %
  • Gertrude Bourdon (PLQ) : 17,9 %
  • Claire Vignola (PQ) : 9,3 %
  • Ann Deblois (PCQ) : 1,7 %