Québec devra donner « beaucoup plus » d’argent aux villes dans les prochaines années, à mesure que celles-ci s’adaptent pour lutter contre la multiplication des épisodes de fortes pluies et d’inondations, plaide la Ville de Montréal, à l’aube du deuxième débat des chefs. Avec des infrastructures vieillissantes, la métropole craint autrement de s’endetter beaucoup trop rapidement.

« Entre 2010 et 2016, le gouvernement du Québec finançait 60 % des besoins en infrastructures de l’eau. Aujourd’hui, c’est seulement 24 %, et ça touche seulement les besoins de base, alors que les besoins augmentent pourtant rapidement », déplore la responsable de l’eau au comité exécutif de la Ville de Montréal, Maja Vodanovic.

Celle qui est aussi mairesse de Lachine chiffre à 680 millions le manque à gagner en matière d’infrastructures vertes pour répondre aux besoins, qui grandiront forcément dans les prochaines années.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Maja Vodanovic, responsable de l’eau au comité exécutif de la Ville de Montréal, en octobre 2021

Quand un tuyau éclate, ça coûte 10 fois plus cher de le réparer. Et en ce moment, on a tellement de travaux à faire qu’on n’a plus le choix de changer notre approche. Ça nous prend du soutien récurrent.

Maja Vodanovic, responsable de l’eau au comité exécutif de la Ville de Montréal

Depuis peu, la Ville emploie carrément un « sous-marin dans les égouts », tant la situation est critique, afin de détecter « où sont les plus grandes failles dans le système » et de les réparer rapidement. « On est vraiment dans une situation d’urgence à Montréal. On ne peut plus attendre », dit l’élue.

Vers une nouvelle gestion

« Il y a un changement de mentalité à opérer », estime le chef de la division Gestion durable au Service de l’eau de Montréal, Hervé Logé, qui qualifie la situation actuelle de « sous-financement chronique ».

Avec ses équipes, il réfléchit depuis plusieurs années au concept d’« infrastructures vertes », afin que l’eau percole non pas dans les égouts, mais ailleurs sur le domaine public. Parcs résilients, trottoirs drainants, places inondables (water squares) : ces aménagements de rétention d’eau sont multiples, et peuvent s’intégrer à l’espace. Jusqu’ici, la Ville a construit trois parcs résilients et étudie déjà 25 autres sites potentiels.

PHOTO FOURNIE PAR LA VILLE DE MONTRÉAL

Aménagement de parc résilient aux abords du parc Pierre-Dansereau, dans Outremont

« Le changement avec ça, c’est que les gens doivent accepter de voir l’eau en surface un petit moment. L’égout, dans l’esprit collectif, c’est un vaste trou noir où l’eau va forcément disparaître. Il y a une attente citoyenne démesurée de penser que le système public va pouvoir gérer tous les puits et que l’eau va disparaître sous terre tout le temps. Mais ce n’est juste pas possible », poursuit M. Logé.

On doit réfléchir autrement avec les systèmes qu’on a. La difficulté, aujourd’hui, c’est de diriger l’eau vers là où elle a le moins d’impact.

Hervé Logé, chef de la division Gestion durable au Service de l’eau de Montréal

Environ 17 000 mètres carrés d’installations du genre « verront le jour dans les prochaines années », affirme Maja Vodanovic. « C’est beaucoup moins coûteux qu’un bassin de rétention, qui peut demander jusqu’à 100 millions de dollars, mais qui ne règle pas tous les problèmes non plus. »

À ses yeux, le « pacte vert » de 2 milliards demandé par les municipalités, auquel François Legault a fermé la porte avant de la rouvrir, est « la base ». « On ne peut pas juste se fier aux taxes foncières des gens. Si on augmentait de façon majeure les taxes de l’eau, les gens voudraient nous assassiner », évoque-t-elle, ajoutant qu’il est « logique », avec la hausse des revenus de taxation du gouvernement en raison de l’inflation, qu’une part de cet argent « revienne aux villes ».

« Ce n’est pas sexy d’investir dans les infrastructures de l’eau. Les gens ne se rendent pas compte de l’importance que ça représente. Mais il faut le faire pour être responsables », ajoute Mme Vodanovic.

Des mesures au privé… et les entreprises

« La première étape, c’est de reconnaître vraiment combien ça coûte, les besoins actuellement ; [680 millions], ça devrait être le début des discussions. On sait que d’ici 30 ou 40 ans, les pluies comme celles qu’on a connues la semaine dernière, ça devrait arriver deux fois plus souvent », glisse quant à lui M. Logé.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Les épisodes de forte pluie sont appelés à se produire plus souvent en raison des changements climatiques.

Il craint que de plus en plus de gens soient du même coup affectés. « Il y aura aussi d’ailleurs des mesures à envisager de façon plus importante sur le domaine privé, pour empêcher l’eau d’entrer dans les bâtiments, surtout quand l’eau s’accumule sur les routes. On ne peut pas penser que les investissements publics vont gérer tous les impacts », poursuit le fonctionnaire.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Bassin végétalisé de rétention des eaux pluviales, avenue Pierre-de-Coubertin

Au cabinet de la mairesse Valérie Plante, on rappelle qu’une source de financement importante dans les infrastructures de l’eau devra aussi « provenir des industries privées qui en font un profit ».

« Les redevances pour l’eau puisée au Québec doivent être augmentées pour refléter sa juste valeur et cet argent doit être remis dans nos infrastructures publiques. C’est une des demandes conjointes sur lesquelles nous travaillons dans l’Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent », a précisé mercredi l’attachée de presse Alicia Dufour.