(Drummondville) François Legault estime que l’immigration non francophone, si elle n’est pas limitée en nombre, est une menace pour la « cohésion nationale » au Québec.

Dimanche, lors d’un premier grand rassemblement de militants depuis le début de la campagne électorale, à Drummondville, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) a affirmé qu’il est important pour lui de « protéger la cohésion de notre nation ». Pour ce faire, les caquistes demandent à Ottawa de lui donner les pleins pouvoirs pour sélectionner les immigrants. M. Legault souhaite accepter tout au long d’un potentiel second mandat 80 % d’immigrants francophones à leur arrivée.

« J’ai essayé [d’]expliquer pourquoi les Québécois se sont serré les coudes pendant la pandémie. C’est parce qu’on est un peuple, une nation qui est tissée serré. Et puis au cœur de cette nation, il y a le français. Et là, il y a une certaine urgence », a expliqué le chef de l’attaque en mêlée de presse.

« On a vu dans les études qui ont été déposées dernièrement qu’il y a un déclin du français. C’est important de garder cette cohésion nationale, de défendre le français, d’arrêter le déclin du français », a-t-il poursuivi.

Questionné sur ce qui menace cette cohésion nationale, M. Legault a pointé du doigt ses adversaires libéraux ou solidaires, qui promettent respectivement d’augmenter à 70 000 ou jusqu’à 80 000 le nombre de nouveaux arrivants admis au Québec par année.

« C’est comme mathématique. Si on veut arrêter le déclin pendant un certain temps, il faut mieux intégrer les nouveaux arrivants au français », a dit M. Legault, qui promet de maintenir le seuil à 50 000 au cours des quatre prochaines années.

La réaction de ses adversaires n’a pas tardé. « Les Ukrainiens qui fuient les bombes, les Italiens, les Grecs, les Mexicains, les Portugais, les Vietnamiens, les Colombiens, la réunification familiale, c’est une menace à notre nation ? C’est votre discours, François Legault, qui menace la cohésion nationale », a réagi la cheffe libérale Dominique Anglade sur les réseaux sociaux.

Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a accusé François Legault de « tromper » la population en disant croire qu’Ottawa va lui donner tous les pouvoirs en immigration. Le chef de la CAQ « induit en erreur » les Québécois au sujet de la loi 96, qui n’inversera pas le déclin du français au Québec, soutient le chef du Parti québécois.

« Ça fait deux fois que François Legault fait des affirmations qui sont divisives », a affirmé M. St-Pierre Plamondon. « Lorsqu’on parle de menace, de peur, on va jouer dans un registre émotif pour tenter de faire oublier que la CAQ est complice et largement responsable du déclin du français. […] Les politiciens doivent s’adresser à l’intelligence des gens et laissons les affirmations à l’emporte-pièce sur la peur », a-t-il dit.

Le chef parlementaire de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois voit dans la sortie de François Legault un « contraste clair » entre le projet de la CAQ et celui de QS. Alors que le parti de gauche propose un programme culturel pour que les immigrants « aient la piqûre du Québec », le chef caquiste les « pointe du doigt ».

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Gabriel Nadeau-Dubois en point de presse, mercredi dernier

M. Nadeau-Dubois se définit comme un « nationaliste qui ouvre les bras » et soutient que « l’immigration ne menace pas la nation québécoise ». « L’immigration bien régionalisée, francisée, où on stimule l’échange culturel entre les gens qui sont déjà au Québec et les gens qui arrivent au Québec, ça nous enrichit comme nation. Moi je refuse que l’immigration soit un sujet difficile, sensible, malaisant », a-t-il dit. Il croit qu’il est « correct » de débattre des cibles d’accueil en immigration, mais pas d’associer l’immigration à une menace.

Legault critique Nadeau-Dubois

Dans un discours prononcé devant quelques centaines de militants caquistes réunis à l’hôtel Le Dauphin, François Legault a lancé des flèches envers un seul adversaire : Gabriel Nadeau-Dubois de Québec solidaire. Selon le chef de la CAQ, M. Nadeau-Dubois est l’homme « qui taxe plus vite que son ombre ».

« Une des grandes préoccupations, sinon la grande préoccupation [c’est la lutte] contre l’inflation. Et là, M. Nadeau-Dubois propose une vieille idée d’un vieux politicien, c’est-à-dire augmenter les taxes. Je pense que ce qu’il propose, c’est au pire moment […] et je me dis qu’il faut que les Québécois soient tous conscients de ça », a-t-il dit.

Dans son cadre financier, dévoilé samedi, la CAQ prévoit creuser le déficit du Québec au-delà de ce qui était prévu au rapport préélectoral sur l’état des finances publiques de la province. Au total, les engagements caquistes totalisent 29,6 milliards sur quatre ans. De ce montant, l’ensemble des mesures du « bouclier anti inflation » du parti totalisent 21 milliards, ce qui inclut la baisse d’impôt de 1 % des deux premiers paliers d’imposition dès 2023.

Avec Tommy Chouinard, Fanny Lévesque et Charles Lecavalier, La Presse