(Montréal, Saint-Jacques-le-Mineur, Longueuil, Carleton-sur-Mer et Québec) Rare unanimité dans la campagne électorale : tous les partis attaquent la proposition de Québec solidaire (QS) d’instaurer un impôt sur les actifs nets de plus d’un million de dollars et sur les grandes successions, une mesure qui nuit au secteur agricole, dénoncent-ils. Ébranlé, le parti de Gabriel Nadeau-Dubois recule et exemptera les terres agricoles du calcul.

« Dans la vie, si tu as un plus d’un million, tu es capable de contribuer à un petit 1000 $ pour aider nos hôpitaux, nos écoles et notre planète. Moi, je défends les travailleurs, la classe moyenne. François Legault défend les millionnaires », a lancé mercredi le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, en marge d’un point de presse sur le transport collectif à Montréal qui a été occulté par les attaques de ses adversaires.

Mais au-delà de sa défense, il recule en ajoutant une exemption pour les terres agricoles, à quelques heures d’une rencontre avec les agriculteurs de l’Union des producteurs agricoles (UPA). Pourtant, la veille, ses deux candidats économistes, Simon Tremblay-Pepin et Mathieu Perron-Dufour, n’avaient pas reçu le mémo. Ils affirmaient que la majorité des agriculteurs seraient exemptés en raison de leur fort endettement. « Une campagne électorale, ça va vite. Il y a eu une erreur de transfert d’information », a plaidé M. Nadeau-Dubois, qui affirme que ce revirement n’a rien à voir avec sa visite à l’UPA.

En matinée, le premier coup est parti de la caravane libérale. La cheffe du Parti libéral était de passage à la ferme de son candidat dans Huntingdon, l’ex-député libéral fédéral Jean-Claude Poissant. Mme Anglade, tout comme M. Legault et M. Nadeau-Dubois, rencontre l’UPA en journée. Elle estime que Québec solidaire s’attaque aux agriculteurs avec son « impôt sur les grandes fortunes » dévoilé mardi.

« Si je regarde ici, la moissonneuse-batteuse en arrière de moi, ça vaut un million de dollars. Quand on parle de relève agricole, de la nécessité d’avoir des jeunes qui veulent s’impliquer dans l’agriculture, on ne peut pas me dire que c’est ces jeunes-là qu’on va aller taxer. C’est un exemple parmi des millions d’exemples que vous allez trouver. Donc, il s’attaque à la relève agricole », a-t-elle soutenu.

Selon elle, « il y a plein de personnes qui ont des biens d’un million. On n’a qu’à penser aux agriculteurs qui ont des biens qui valent ça. Mais dans le quotidien, c’est loin d’être une vie facile qui est menée ».

Quelques heures plus tard, à la sortie de sa rencontre avec l’UPA, Dominique Anglade a soutenu que Gabriel Nadeau-Dubois a fait « un premier recul » en exemptant les terres agricoles, ajoutant qu’« il y en aura certainement d’autres ». « Tous les milieux peuvent être affecrés par ça. Tout le monde peut être affecté par ça », a-t-elle dit. « Juste dans mon comté, si tu veux acheter une masion unifamiliale, tu es rendu à 800 000 $. Est-ce que ce sont des personnes riches qui méritent de payer des taxes importantes ? » QS fait la démonstration, selon elle, qu’il n’a « pas de crédibilité » en matière économique.

Legault s’oppose aux « taxes orange »

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

François Legault

François Legault a pour sa part dénoncé mercredi ce qu’il surnomme désormais les « taxes orange ». Il dit avoir senti une grande inquiétude des agriculteurs. Son parti promet d’investir 50 millions en agriculture durable et d’ajouter 50 millions « pour aider la relève à acquérir des terres agricoles ».

« M. Nadeau-Dubois annonce des taxes chaque jour depuis trois ou quatre jours. Je pense qu’avec la hausse du taux d’intérêt, c’est à peu près la pire nouvelle qu’on ne peut pas avoir », a-t-il dit.

Pour le candidat caquiste dans la circonscription de Johnson et ministre sortant de l’Agriculture, André Lamontagne, la proposition solidaire et le plan climat du parti de M. Nadeau-Dubois pourraient faire perdre des millions au secteur agricole. « On n’est pas souvent d’accord [avec Dominique Anglade], mais là, on est vraiment d’accord », a-t-il lancé. Il estime que la promesse de Québec solidaire réduire la production animale dans la province ferait perdre 800 millions par année à ce secteur.

À cette attaque, Gabriel Nadeau-Dubois rétorque que M. Lamontagne ment à la population. Il souligne que le gouvernement Legault prévoit lui-même une chute des productions animales de 7 % d’ici 2030 pour les viandes et le lait. Ce n’est que le reflet des changements d’habitude alimentaire des Québécois, a-t-il plaidé, tout en s’engageant à ne pas réduire les subventions agricoles destinées aux éleveurs, comme le lui a demandé son collectif pour la justice animale.

Le PQ ne veut pas taxer les morts

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Paul St-Pierre Plamondon

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, s’en est aussi pris aux propositions de Québec solidaire. Selon lui, « imposer tous ceux qui ont un million de dollars d’actifs » n’est pas une bonne idée.

« Les conséquences vont être nombreuses et, si on combine cette mesure-là à la volonté de taxer les héritages, ça va, à mon avis, causer plus de problèmes que de solutions. Prenons les transferts des terres agricoles, ça va devenir plus logique de vendre à des firmes d’investissement étrangères que de donner en héritage la terre agricole », a expliqué le chef péquiste, de passage à Carleton-sur-Mer.

« Au Parti québécois, on n’a pas l’intention de taxer les morts », a-t-il ajouté.

Duhaime dénonce

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Éric Duhaime

Le chef conservateur Éric Duhaime s’est lui aussi attaqué à la mesure qui va alourdir le fardeau fiscal des Québécois, a-t-il déploré. « Taxer davantage n’est pas la solution. Les Québécois sont déjà suffisamment taxés. […] Je les ai vus aussi s’en prendre à M. Laliberté. Ce n’est pas surprenant venant de Québec solidaire, mais disons que c’est décevant », a-t-il lancé.

Il estime que la taxe de Québec solidaire risque de provoquer un problème d’attractivité pour la province, qui souhaite attirer les talents à l’international. « On est déjà les citoyens les plus taxés du continent et on a un parti politique que sa solution, c’est de taxer davantage les gens. Je trouve ça extraordinairement décevant. Je ne trouve pas que c’est très avoir les deux pieds sur terre », a-t-il ajouté.

Des « sacrifices » de génération en génération

Pour le candidat libéral Jean-Claude Poissant, producteur laitier et céréalier, il faut « regarder l’ensemble d’une entreprise agricole. Il y a eu des sacrifices de génération en génération. Avant de dire qu’une personne est riche, il faut penser à tout le passé d’une entreprise. Et lorsqu’un agriculteur a de la difficulté à arriver et qu’on va le retaxer plus parce qu’il a besoin de ces choses-là [des équipements et machineries] pour faire son métier, on a un problème ».

Dominique Anglade a ajouté mercredi que QS fait fausse route en voulant imposer « des personnes qui ont travaillé toute leur vie pour céder quelque chose à leurs enfants ».

« Quand des parents ont travaillé toute leur vie et décident de transférer le patrimoine, ne serait-ce qu’une maison, à leurs enfants, non, je ne pense pas qu’on devrait les taxer », a-t-elle dit.

La cheffe libérale promet de réformer la Loi sur la protection du territoire agricole pour resserrer les règles afin de freiner l’étalement urbain qui empiète sur de bonnes terres. Elle veut réglementer l’acquisition de terres agricoles par des personnes qui n’ont pas l’intention de les utiliser pour faire de l’agriculture. Elle s’engage à faire une « révision complète » des programmes de la Financière agricole afin de mieux les adapter aux impacts des changements climatiques. Elle propose un incitatif fiscal lors de la vente d’une terre à la relève pour aider les jeunes producteurs.

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