Dévoilé dimanche, le plan climat de Québec solidaire est très ambitieux avec une cible de réduction de 55 % des gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030. Pour y arriver, il faudra adopter de nombreuses mesures contraignantes. Est-ce sensé ?

Oui mais…

Gabriel Nadeau-Dubois l’a relevé en présentant dimanche le plan climat de son parti pour 2030 : il a reçu une attestation de validité scientifique et modélisation technico-économique de huit experts en science du climat.

La Presse s’est entretenue avec l’un d’eux, Jérôme Dupras, professeur à l’Université du Québec en Outaouais, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique et… oui, le bassiste des Cowboys Fringants.

Satisfait de la démarche ? Oui, dit M. Dupras en entrevue téléphonique.

« On a approché plusieurs scientifiques avec des expertises complémentaires, dit-il. Nous avons eu accès, sous embargo, aux approches de modélisations, projections, budgets, etc, du parti. Nous avons eu des présentations, on a répondu à nos questions. Les points soulevés par les scientifiques ont été internalisés dans la version finale. »

M. Dupras explique que les modèles de calculs sur la réduction des premiers points de pourcentages des GES rallient l’ensemble des opinions. C’est techniquement prouvé. Mais passé un certain seuil, il faut se montrer plus audacieux pour éliminer chaque point de pourcentage de GES supplémentaire et donc proposer solutions et initiatives pour y arriver.

Ce qu’il voit dans le plan de QS qui propose d’agir autant sur la gouvernance que dans les transports, les bâtiments, les industries, le monde agricole et les déchets lui convient. « Mon avis, c’est bien personnel et ça peut être débattu, est que les hypothèses ici avancées sont totalement fondées et auraient un potentiel de se réaliser. »

Pour lui, il faut être d’autant plus audacieux que, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le monde doit réduire de pratiquement 50 % ses émissions de GES d’ici 2030. Ceci afin de limiter à 1,5 degrés Celsius la hausse de la température mondiale.

« Et 2030 n’est qu’une étape, rappelle M. Dupras. En 2050, on doit non seulement être carboneutre mais carbonégatif. Nos sociétés devront mettre en place des technologies pour retirer des GES de l’atmosphère. »

Bref, plus on retarde, plus les conséquences seront catastrophiques.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Le chef parlementaire de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois et la candidate du parti dans Verdun, Alejandra Zaga Mendez

A-t-on assez de temps ?

Titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau estime que le plan climat de QS est « parmi les plus documentés et les plus sérieux que j’ai vus ». Il le qualifie de très rigoureux et estime que QS, tout comme le Parti québécois (dont la cible de réduction pour 2030 est de 45 %) ont fait leurs devoirs.

Mais atteindre une réduction de 55 % des GES en huit ans est un projet « très ambitieux », ajoute-t-il.

De plus, QS évite d’expliquer de façon frontale aux électeurs qu’il faudra apprendre à vivre (lire : s’imposer) d’importantes contraintes directes, notamment sur l’usage automobile. « On propose des alternatives essentielles comme le développement du réseau ferroviaire, le transport collectif, l’auto-partage et le vélo-partage, observe-t-il. Mais les gens demeurent confortables dans leurs véhicules. […] Je comprends que, pour des fins électorales, on ne parle pas des contraintes. Mais avec le peu de temps à notre disposition, sans contraintes, il est difficile d’imaginer d’arriver à nos fins. »

Même chose avec le secteur agricole. M. Pineau note que QS, comme le PQ, propose plusieurs initiatives mais il évite la délicate question des viandes.

« Dans le secteur agricole, autant le PQ que QS refusent à dire que ce sont protéines animales qui constituent le problème, dit-il. Or, il est établi par la science que cette production est très productrice de GES. On évite d’en parler pour ne pas froisser les électeurs qui aiment mettre du bacon dans leurs hamburgers. Pourtant, si on veut être sérieux avec les changements climatiques, il faudra mettre moins de bacon dans moins d’hamburgers. »

Contrairement à M. Dupras, M. Pineau ne fait pas partie des huit experts nommés dans le plan de QS. Tous deux font par ailleurs partie du comité consultatif sur les changements climatiques, organisme indépendant de 12 experts chargé de conseiller le ministère québécois de l’Environnement.