C’était le contraire de la « polarisation ».

Dominique Anglade a accusé François Legault de copier son engagement d’envoyer un chèque de 2000 $ aux aînés. On était loin de l’affrontement idéologique…

C’était à l’image du lent début de la campagne électorale, avec des partis qui se marchaient sur les pieds en promettant des chèques.

Pour la première fois, cinq partis récoltent au moins quelque 10 % d’intentions de vote et participeront au débat des chefs. C’est difficile à couvrir. Les partis peuvent coller à leur annonce du jour, au risque d’être relégués en note de bas de page dans les nouvelles. Ou ils peuvent réagir au sujet du jour, au risque de s’éloigner de leur plan de match.

On dit qu’une campagne électorale est un marathon, mais avec leur retard, les libéraux, péquistes, solidaires et conservateurs devaient partir avec un sprint. En cette fin août, il manquait de spectateurs. L’intérêt de la population devrait croître après la fête du Travail.

Pour attirer l’attention, ils devront se démarquer davantage. Leurs promesses sur le coût de la vie sont plus clientélistes qu’idéologiques. Et plus destinées aux contribuables qu’aux citoyens.

Quand il faut sortir l’excellent simulateur de la Chaire en fiscalité de l’Université de Sherbrooke, c’est que la différence n’est pas si nette. Mais il y en a bel et bien une. Les caquistes et les libéraux retarderaient le retour à l’équilibre budgétaire ou alourdiraient la dette pour augmenter le pouvoir d’achat, avec le risque d’ajouter de l’huile sur le feu de l’inflation. Légère nuance, les libéraux voudraient faire payer un peu plus les riches (revenus supérieurs à 300 000 $).

Quant aux conservateurs, ils élimineraient l’impôt pour les revenus entre 15 700 $ et 20 000 $. Cela profite à tout le monde également, même si en matière de proportion du revenu, les jeunes le sentiront plus. Cette mesure est la plus idéologique quand on la replace dans son contexte : celle d’un parti qui veut réduire la taille de l’État, quitte à fragiliser le filet social.

Les péquistes et les solidaires optent pour une autre voie. Leur aide cible ceux qui en ont vraiment besoin — ils doubleraient notamment le crédit d’impôt remboursable pour les gens à moyen ou faible revenu.

Cette surenchère mène toutefois le parti de Gabriel Nadeau-Dubois en territoire insoupçonné. Il suspendrait les taxes de vente, ce qui profiterait davantage aux gens fortunés. Rien de très solidaire…

Une autre preuve qu’en visant plus le portefeuille que l’imaginaire, les partis tombent dans le jeu de François Legault. Ils rendent le débat moins passionnant et clivant. Ce qui avantage habituellement le meneur.

Voici un coup d’œil sur la première semaine de chaque parti.

PQ

Le Parti québécois a commencé la campagne seul de son côté, en parlant de langue et d’indépendance. Paul St-Pierre Plamondon rappelle ainsi qu’il n’existe qu’un parti voué d’abord et avant tout à ces causes. S’il peut faire de cette élection un référendum sur la survie du PQ, il consolidera de précieux appuis. L’avance de la CAQ pourrait convaincre des électeurs de lui redonner une chance — les nationalistes ne craignent plus l’élection des libéraux.

QS

Québec solidaire s’apprête à se distinguer de ses rivaux. Dimanche, le parti présente son plan climat. Comment réduire les gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030 alors que les efforts faits depuis trois décennies ont seulement permis une modeste baisse de 3 % ? Et quel en sera le coût ? Pour être crédibles, les réponses devront être précises et chiffrées.

PLQ

Les libéraux ont eu un début de campagne pénible. Je ne me souviens pas d’avoir vu une cheffe faire un bain de foule dans une circonscription où elle n’avait pas de candidat. Mme Anglade est habile au micro, mais peu de gens viennent l’entendre et son recrutement de candidats est déficient. Il y a urgence de se démarquer avec une annonce forte ou une candidature prestigieuse.

CAQ

François Legault a le défi de tout premier ministre sortant : renouveler ses idées. Son slogan « Continuons » montre que les sondages lui donnent confiance. Mais on ne trouve pas cette année de grandes idées, notamment en éducation. C’est comme s’il voulait reprendre des thèmes de son premier mandat dont une partie lui a été volée par la pandémie.

PCQ

Comme d’habitude, le chef conservateur a excellé dans l’art de calmer ses critiques tout en crinquant ses militants dans la même phrase. Le pire exemple : « On n’a pas besoin de gardes du corps parce que le peuple est avec nous », a-t-il dit en référence aux menaces contre ses adversaires.

Il laisse ainsi entendre que le peuple parle d’une seule voix et qu’il appuie le Parti conservateur. Et il fait comme si les gens qui font des menaces sont du bon côté, celui du peuple.

La campagne a commencé dans un certain ennui. Mais c’était tout de même de loin préférable à ce grand dérapage.