Une députée menacée, un bureau de circonscription cambriolé. Les élus libéraux Marwah Rizqy et Enrico Ciccone ont été directement visés par des évènements violents ces derniers jours, la première par des menaces de mort, et le second par un vol en règle. Une situation que plusieurs attribuent à un climat social « détérioré ».

« Ça a commencé en me disant que j’avais intérêt à marcher plus vite parce que j’allais me faire tuer. À ce moment-là, c’était juste un message. Mais ça a persisté. Il a même appelé mon poste de quartier pour leur dire qu’un meurtre allait être commis, qu’ils devraient aller chercher mon cadavre. Ça a été un branle-bas de combat pour mes proches et moi. On ne savait pas d’où ça venait, c’était qui. Je ne rappelle pas la dernière fois que j’ai claqué des genoux comme ça », raconte Mme Rizqy en entrevue avec La Presse.

Il y a quelques jours, un homme avait laissé un message contenant des propos « menaçants » contre la députée libérale de Saint-Laurent, Marwah Rizqy, sur la boîte vocale du bureau de circonscription du député Enrico Ciccone, mais aussi sur la page Facebook de l’élue, enceinte de huit mois. Il aurait alors mentionné que « ta grande chum Marwah est morte et enterrée ».

L’homme derrière les menaces, Claude Delaney, fait face à des accusations de harcèlement criminel commis contre Mme Rizqy, entre le 1er septembre 2021 et le 25 août dernier. Lors d’une comparution vendredi dernier, Delaney a plaidé non coupable, puis libéré sous conditions, dont celle de ne pas s’approcher de la députée.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

La députée libérale de Saint-Laurent, Marwah Rizqy, aux côtés de sa cheffe Dominique Anglade

En conférence de presse mercredi, Mme Rizqy a précisé avoir demandé à l’Assemblée nationale d’augmenter les mesures de sécurité, « parce qu’il y a quand même une certaine tension sociale ». Elle réclame notamment que l’Assemblée nationale se dote d’un « bouton panique » pour les élus.

Plusieurs personnes dans les dernières années ont vécu de la frustration avec la pandémie. Peut-être qu’il y a des fils qui se sont touchés. Et on l’a vu aussi à Ottawa : les gens étaient en colère. […] Moi, je le sens qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas en ce moment, que le climat s’est détérioré.

Marwah Rizqy, députée libérale

À ses yeux, le rôle des élus est de ne pas marginaliser encore davantage la « minorité qui est fâchée ». « Notre rôle, ce n’est pas d’alimenter cette colère, c’est de calmer le jeu, de trouver des solutions, de parler avec eux », a encore imploré Mme Rizqy.

Bureau de comté dévalisé

Le tout survient alors que le bureau de circonscription du député de Marquette, Enrico Ciccone, a été vandalisé puis volé, dans la nuit de mardi à mercredi, à Lachine. « Je suis bouleversé et inquiet, particulièrement pour mes employés et les citoyens qui nous font confiance. Un bureau de comté, c’est la maison des citoyens. Ce devrait être intouchable », a dénoncé mercredi le principal intéressé.

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Au passage de La Presse, en début d’après-midi mercredi, M. Ciccone rencontrait des enquêteurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Pour pénétrer dans le bureau, les voleurs auraient « défoncé le mur mitoyen d’un commerce voisin », causant aussi « beaucoup de dommages matériels avant de prendre la fuite ».

D’après nos informations, les ordinateurs de tous les employés ont été dérobés, et des classeurs barrés à clé ont été défoncés. Du matériel confidentiel concernant des salariés, mais aussi des électeurs, pourrait donc avoir été volé, ainsi qu’un serveur enregistrant les images des caméras de sécurité.

Au passage de La Presse, mercredi, M. Ciccone rencontrait des enquêteurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), afin de faire le point sur la situation. La police évaluera si ces deux affaires pourraient être liées, mais rien n’est acquis en ce sens pour le moment.

Un débat à avoir

Mercredi, la cheffe libérale Dominique Anglade a reconnu qu’un débat devait être tenu sur la sécurité des élus. « Ce sont des questions qui méritent d’être soulevées dans le contexte actuel. On a vu ce qui s’est passé avec Enrico, on voit ce qui se passe du côté de Marwah. […] On veut s’assurer qu’on puisse faire une campagne électorale dans un contexte qui est exempte de violence », a-t-elle dit.

François Legault n’a pas non plus manqué de condamner la situation. « C’est inacceptable ce qui est arrivé au bureau de M. Ciccone. C’est inacceptable ce qui est arrivé à beaucoup de pancartes. On veut un débat, on est chanceux d’avoir la démocratie qu’on a, donc peu importe le parti, c’est inacceptable », a-t-il dit.

« C’est vraiment important, encore plus pendant les élections, qu’on soit respectueux des règles, respectueux des gens et ça devrait être une source de fierté collective que notre capacité de mener cet exercice-là sans qu’il y ait de violence, d’intimidation. C’est une source de bonheur, de quiétude dans notre société, il faut tenir à notre démocratie », a aussi soulevé le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon.

Le solidaire Gabriel Nadeau-Dubois, lui, estime que ce climat a nui à ses efforts de recrutement pour trouver des candidats. Il se dit « ébranlé » par ce qui est arrivé à ses collègues Rizqy et Ciccone, et demande à tous les partis politiques à agir de façon responsable « pour que le climat social ne dégénère pas de plus en plus ». Il suggère aux chefs de se poser la question lorsqu’ils prennent le micro : « Est-ce qu’on contribue à la santé de notre débat public, ou est-ce qu’on contribue à faire dégrader le débat social ? »

Avec Tommy Chouinard, Hugo Pilon-Larose, Fanny Lévesque et Charles Lecavalier, La Presse