(Saguenay) François Legault a marqué les esprits dimanche au déclenchement des élections, mais pas pour les raisons qu’il souhaitait. Alors qu’il lançait sa campagne électorale devant le décor digne d’une carte postale de la chute Montmorency à Québec, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) a interpellé la cheffe libérale Dominique Anglade en la désignant comme « cette madame », sans la nommer.

Sa déclaration a immédiatement fait bondir son adversaire.

En réponse à la cheffe libérale, qui lui a demandé s’il répéterait que la pénurie de main-d’œuvre est une bonne nouvelle, François Legault a plutôt défendu dimanche son bilan économique, ajoutant que « la pénurie de main-d’œuvre, ça n’a pas été causé par la CAQ ».

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La cheffe libérale Dominique Anglade lors d’un rassemblement à Montréal dimanche

« Comment cette madame peut-elle dire que l’économie du Québec ne va pas bien ? On n’a jamais vu ça avec les libéraux, dépasser l’Ontario », a-t-il répliqué sans dire son nom. « La madame, elle a un plan ! », a rapidement réagi Mme Anglade devant quelques centaines de militants réunis à Montréal.

« Parler de “cette madame”… Quand on dit que la tête ne lui passe pas dans le cadre de porte ! C’est de l’arrogance ! C’est du mépris ! On a un message à François Legault : cette madame, elle est ingénieure, elle a une expérience d’affaires depuis plus de 20 ans, elle est cheffe de l’opposition officielle, elle est cheffe du Parti libéral du Québec, elle s’appelle Dominique Anglade et sera la prochaine première ministre du Québec ! », a ajouté le député libéral de LaFontaine, Marc Tanguay.

Sur Twitter, la directrice de cabinet de Mme Anglade, Valérie Rodrigue, a écrit : « C’est comme ça que débute la campagne de la CAQ. Ouf ! On se souhaite plus de hauteur pour les prochains jours ! »

Questionné à savoir pourquoi il ne nommait pas sa vis-à-vis libérale, M. Legault a précisé : « J’essaie de ne pas personnaliser. C’est la cheffe du Parti libéral. » Il a promis de l’appeler désormais par son titre.

Ce premier faux pas de la campagne de François Legault a également fait réagir dans les caravanes des autres partis politiques. « Avant madame, il y a eu “Mère Teresa” [en référence à Christine Labrie]. C’est pas la première fois. Moi, c’est pas comme ça que je vais référer à Dominique Anglade », a dit Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire.

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Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

« Ça manque un peu de respect et c’est étrange parce que Dominique Anglade était la présidente de la CAQ. Comment une situation comme celle-là peut arriver ? Ils ont déjà travaillé dans le même parti, ils se connaissent », a ajouté Paul St-Pierre Plamondon, du Parti québécois. « C’est l’arrogance suprême de la CAQ », a pour sa part affirmé le chef du Parti conservateur, Éric Duhaime.

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Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

En ce début de campagne, alors que son parti récolte pour l’instant de bons sondages, M. Legault a été questionné dimanche à savoir s’il pouvait être son pire ennemi, avec ses déclarations parfois hasardeuses. En point de presse, le chef caquiste avait admis qu’il « n’est pas parfait ».

« Vous l’avez vu, ça m’arrive de faire des erreurs et quand ça m’arrive, on essaie de ne pas persister par orgueil, mais de faire preuve d’humilité », avait-il dit, avant que sa déclaration sur « cette madame » fasse réagir. Dans ce cas bien précis, le chef caquiste n’a pas présenté ses excuses.

Un « bouclier » contre l’inflation 

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Le chef de la Coalition Avenir Québec, François Legault

Pour le chef de la CAQ, qui demande un deuxième mandat aux Québécois qui iront voter le 3 octobre, l’économie du Québec se porte bien, alors que la province a réduit son écart de richesse avec l’Ontario. « Posez-vous la question : qui voulez-vous qui gère votre portefeuille dans les quatre prochaines années ? À quelle équipe économique faites-vous le plus confiance ? », a-t-il dit dimanche, essayant au premier jour de la campagne électorale d’influencer la question de l’urne.

Après avoir lancé sa campagne à Québec, M. Legault a pris la route pour visiter une crèmerie d’Alma, dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Le chef caquiste n’a pas accordé de mêlée de presse aux journalistes des médias régionaux qui étaient présents.

En soirée, M. Legault a prononcé un discours devant des militants rassemblés dans la circonscription de Jonquière, remportée en 2018 par le député péquiste Sylvain Gaudreault, qui quitte la vie politique. Il a affirmé qu’il présenterait prochainement un « bouclier » de mesures contre l’inflation, sans les détailler. Une baisse d’impôt (maintes fois promise depuis quelques mois par la CAQ) est l’une de ces mesures, a plus tard dit le ministre des Finances, Eric Girard.

Violence armée à Montréal

François Legault a également commenté dimanche la hausse de la violence armée à Montréal. En réponse aux questions des médias qui lui demandaient pourquoi il n’avait pas pris la parole au cours des derniers jours sur cet enjeu, il a rappelé qu’il vivait dans la métropole depuis sa naissance.

« La sécurité, s’il y a un parti pour qui c’est important, c’est la CAQ », a-t-il dit, ajoutant qu’il faut plus de policiers à Montréal pour ramener un sentiment de sécurité auprès de la population.

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Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, avec des électeurs de la circonscription de Chauveau

Sur le plan électoral en ce début de campagne, les troupes caquistes voient dans leur rétroviseur le Parti conservateur d’Éric Duhaime, qui mise beaucoup sur la popularité de son parti dans les régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches pour faire élire ses premiers députés.

Selon le site de projections électorales Qc125.com, le chef conservateur talonne actuellement le député caquiste sortant de Chauveau, Sylvain Lévesque. Son parti est également deuxième selon les projections dans les circonscriptions de Beauce-Sud et de Beauce-Nord.

« À un moment donné, quand on est en politique, quand on est chef de parti, il faut être responsable, et la position responsable, c’est de travailler pour le bien commun et de s’assurer qu’on protège les plus vulnérables », a répondu M. Legault, ciblant son adversaire conservateur à propos de son opposition aux mesures sanitaires.

« Je pense qu’il y a une grande majorité de Québécois, incluant à Québec, incluant en Beauce, qui ont été et qui sont solidaires des personnes plus vulnérables […] et qui ont accepté de respecter certaines consignes et certaines mesures. J’ai confiance qu’à Québec et en Beauce, la majorité des Québécois vont nous suivre », a poursuivi le chef caquiste.

La campagne électorale sera d’une durée de 36 jours. Les chefs croiseront le fer lors de deux débats nationaux, le premier au réseau TVA le 15 septembre, puis le 22 septembre à Radio-Canada.

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Avec la collaboration de Tommy Chouinard, de Charles Lecavalier et de Fanny Lévesque, La Presse