Les sondages le donnent perdant lundi soir dans sa propre circonscription. Mais certains croient que le chef du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, peut encore causer la surprise. La Beauce n’en serait pas à son premier coup de gueule.

(Saint-Georges) Son émission matinale vient de se terminer, mais Gaston Cloutier semble encore habité par le micro. En entrevue avec La Presse, l’animateur beauceron gesticule et parle avec passion, ressort de vieilles anecdotes et livre le fond de sa pensée sur ce qui adviendra lundi soir dans cette singulière circonscription.

« Les Beaucerons sont bizarres. Ils ont voté pour Gilles Bernier quand il s’est fait mettre dehors du Parti conservateur. Ils ont voté pour Fabien Roy, un créditiste, même si c’était la risée », raconte l’animateur du matin à la station COOL FM 103,5.

« Les Beaucerons, ce que Montréal pense, ce que le “gros village” pense de nous autres, on s’en contrefout ! »

Les sondages laissent toutefois présager qu’il n’y aura pas de « surprise beauceronne » lundi soir. À moins d’un revirement, le conservateur Richard Lehoux devrait être réélu, lui qui avait ravi le siège de Maxime Bernier en 2019.

Les derniers coups de sonde créditent Lehoux de 38 % des voix, contre 29 % pour Bernier. Mais les sondages n’élisent pas les députés, rappelle Gaston Cloutier.

PHOTO GABRIEL BÉLAND, LA PRESSE

Gaston Cloutier dans les studios de la station COOL FM 103,5, à Saint-Georges

« Il y en a pas mal qui sont gênés de dire qu’ils vont voter Bernier, de dire qu’ils sont d’accord avec lui », croit celui qui tient le micro depuis 26 ans, et qui a aussi été avocat criminaliste pendant deux décennies.

« Il y a bien des gens qui n’iront pas dire publiquement qu’ils en ont leur maudit voyage, des mesures sanitaires. »

Une campagne pandémique

Au scrutin de 2019, « les Beaucerons ont décidé de sacrer Maxime Bernier dehors », rappelle Gaston Cloutier. Le thème des élections était alors en grande partie la gestion de l’offre en agriculture, à laquelle s’oppose Bernier.

Celui-ci venait de perdre la course à la direction du Parti conservateur. Il venait de créer son Parti populaire du Canada (PPC), avec un discours très axé sur l’immigration.

Les Beaucerons n’ont pas été séduits : celui qui représentait la Beauce depuis 2006 a obtenu 28 % des voix, contre 39 % pour le candidat conservateur.

Cette fois, le discours sur l’immigration a été relégué à l’arrière-plan. Le PPC fait campagne contre les mesures sanitaires.

PHOTO CHRIS HELGREN, REUTERS

Maxime Bernier, chef du Parti populaire du Canada

Les Beaucerons se rendent compte que devoir montrer leurs papiers, présenter leur code QR pour participer à la vie en société, ce n’est pas le monde qu’ils veulent. En Beauce comme ailleurs, l’élection va porter là-dessus.

Maxime Bernier, chef du Parti populaire du Canada

Maxime Bernier veut donc faire de ce scrutin un référendum sur les mesures sanitaires. La décision du chef du PPC de ne pas se faire vacciner a d’ailleurs failli faire dérailler le débat radiophonique local.

Richard Lehoux refusait d’être dans la même pièce que lui. Bernier a finalement dû faire le débat seul dans un local, isolé des trois autres candidats.

« La question de la gestion de la pandémie, les mesures sanitaires imposées, le passeport vaccinal, ça relève des provinces », se lamente le député sortant, Richard Lehoux.

Le PPC trouvera-t-il un terreau en Beauce ? Un peu plus de 70 % des Beaucerons ont reçu au moins une première dose de vaccin, contre 77,5 % des Québécois. Selon le député sortant, ces chiffres ne sont pas alarmants.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Richard Lehoux, candidat conservateur en Beauce et député sortant

Je constate que 70 % de la population ici est vaccinée. Les gens ne sont pas antivaccins parce qu’on est en Beauce. Je suis tanné d’entendre Bernier véhiculer ce message-là.

Richard Lehoux, candidat conservateur en Beauce et député sortant

Le maire de Saint-Éphrem-de-Beauce et préfet de la MRC de Beauce-Sartigan croit aussi que la Beauce pâtit d’une réputation qu’elle ne mérite pas. « Ceux qui se sont fait vacciner et qui sont pour les mesures sanitaires, on a honte. On a honte parce que ce n’est pas la majorité des gens qui pensent ça. Ce discours-là n’est pas apprécié », croit Normand Roy.

« On passe pour qui, nous autres ? On passe pour des gens contre les mesures sanitaires. »

Un candidat peu présent

Maxime Bernier devra miser sur deux choses, lundi : la portée de son message anticonfinement et sa notoriété.

« Les Beaucerons sont bizarres en tabarnouche. Vote libéral, vote créditiste, vote péquiste. Ils n’ont pas peur de se lancer à droite puis à gauche, ou au centre quand ça fait leur affaire. Ce qui fait la différence, c’est la face sur le poteau », lâche Gaston Cloutier.

L’homme de radio note que Maxime Bernier, par l’entremise de son père, l’ancien député Gilles Bernier, a encore beaucoup d’appuis chez les personnes âgées.

Mais une chose pourrait lui faire mal : Maxime Bernier, occupé à mener une campagne d’un océan à l’autre, a été peu présent en Beauce.

« J’ai passé 25 % de mon temps en Beauce », assure le chef du PPC, qui sera toutefois à Saskatoon lors de la soirée électorale, car les règles là-bas permettent un rassemblement.

Maxime Bernier n’a pas été présent dans le comté pantoute. Il ne sera pas là le soir des élections, il va être à Saskatoon. Selon moi, s’il tenait vraiment au comté, il aurait dû se battre plus que ça pour l’avoir.

Gaston Cloutier, animateur du matin à la station COOL FM 103,5, à Saint-Georges

La division du vote aura aussi un impact. Le jeune candidat libéral, Philippe-Alexandre Langlois, a mené « un tabarnouche » de débat, selon Gaston Cloutier, qui coanimait le face-à-face. Il est crédité d’environ 10 % des intentions de vote.

Mais c’est surtout la candidate bloquiste, conseillère municipale à la Ville de Saint-Georges, qui pourrait brouiller les cartes. Les sondages donnent 16 % des voix à Solange Thibodeau.

« La candidate du Bloc est très bien vue dans la région. Je ne sais pas d’où ses votes vont venir. Elle n’est pas antivaccin, elle. Alors peut-être que le vote va se diviser et que Bernier va se faufiler », avance le préfet Normand Roy.

La réponse à toutes ces questions viendra bien assez vite, le soir des élections. Gaston Cloutier est toutefois certain d’une chose, un phénomène qu’il constate de longue date en Beauce.

« Après le scrutin, tous les Beaucerons vont dire qu’ils ont gagné leurs élections, lance-t-il. Celui qui a voté pour le perdant ne te le dira jamais ! »