En affirmant qu’il refuse de « blâmer » les propriétaires d’armes à feu qui « suivent les règles », le chef conservateur Erin O’Toole s’appuie sur de « faux arguments » et parle « des deux côtés de la bouche », martèle une survivante de la tuerie de Polytechnique.

« Nous non plus, on ne veut pas blâmer les propriétaires d’armes. La réalité, c’est qu’il y a une foule d’armes beaucoup trop dangereuses pour être entre les mains des Canadiens, qu’ils soient honnêtes ou non », explique Nathalie Provost, qui est aussi porte-parole de l’organisme PolySeSouvient.

Elle réagissait ainsi aux propos du chef conservateur qui a indiqué mercredi, en entrevue avec La Presse, qu’il est « injuste de blâmer les Canadiens qui suivent les règles pour des fusillades, par exemple à Montréal, avec des gangs de rue ». Il a accusé au passage Justin Trudeau de « diviser les Canadiens, en appelant à un « processus public, avec tous les groupes concernés, pour améliorer notre système de classification ».

Mais Nathalie Provost ne croit pas une seconde à cette « ouverture » des conservateurs. « Erin O’Toole a joué avec le feu, il a tenté de parler des deux côtés de la bouche. Il a trouvé une position que certains ont acheté, d’autres pas, mais ça reste clair que la pelure de banane pour lui, c’est les armes à feu », dit-elle.

« Les propriétaires d’armes qu’étaient Marc Lépine, Kimveer Gil, Alexandre Bissonnette, Valery Fabrikant et Richard Henry Bain étaient tous d’honnêtes propriétaires d’armes jusqu’à au jour où ils ont commis d’horribles fusillades. C’est aussi eux que M. O’Toole ne veut pas pénaliser », ajoute Mme Provost par courriel.

À ses yeux, le problème réside surtout dans l’utilisation publique d’armes « pour se protéger ». « Dans les mouvements de propriétaires d’armes honnêtes, il y a toujours ce souhait de s’armer pour se protéger. Ils veulent tous légalement les acquérir, mais l’intention reste de se protéger. Or, ceux et celles qui doivent avoir une puissance de feu, ce sont les policiers et les forces armées, point final. La finalité pour les citoyens, ça ne devrait pas être de se protéger, mais bien d’aller à la chasse », insiste la survivante.

PolySeSouvient rappelle par ailleurs que M. O’Toole a entretenu des liens de proximité, notamment au cours de sa campagne au leadership, avec la Coalition pour les armes canadiennes, un lobby comptant plus de 20 000 membres qui s’oppose au programme de rachat obligatoire proposé par le gouvernement Trudeau. Le groupe appelle d’ailleurs clairement à voter pour les libéraux, ou au minimum, pour le Bloc, le NPD ou les Verts, bref tout sauf les conservateurs et le Parti populaire de Maxime Bernier.

« Le citoyen régulier n’a pas le droit de s’acheter un tank, d’acquérir un char d’assaut. Ce n’est pas ça, le mode de vie en commun. Quand on veut contrôler les armes et sortir les armes des mains des citoyens, c’est n’est pas pour pénaliser les citoyens. C’est là qu’est le faux argument », ajoute Nathalie Provost.

À Erin O’Toole, qui dit vouloir « entendre le point de vue » des victimes et de leurs familles, la porte-parole rétorque « qu’il aurait pu le faire avant ou pendant la campagne électorale ». « On est disponibles. Et ils sont capables de parler à n’importe quelle victime s’ils le veulent », conclut-elle.

Le contrôle des armes à feu est un enjeu délicat depuis le début de la campagne pour Erin O’Toole, que les libéraux accusent de défendre le « lobby pro-armes ». La semaine dernière, le Parti conservateur a ajouté une note en bas de page à sa plateforme, qui promet l’abolition du décret interdisant quelque 1500 modèles d’armes à feu. « Toutes les armes à feu actuellement interdites le resteront », peut-on y lire. Justin Trudeau avait alors taxé M. O’Toole de vouloir « berner les Canadiens » par son « manque de clarté ».