De passage à Montréal, le chef du Parti libéral, Justin Trudeau, a vivement condamné mardi la « violence » des manifestants qui lui ont lancé des pierres la veille, en réitérant toutefois que son gouvernement ne les laisserait pas « gagner ».

« C’est absolument inacceptable que quiconque dans un rassemblement politique soit visé par de la violence ou reçoive des objets lancés. Personne ne devrait être stressé ou harcelé dans des moments comme ça », a offert d’emblée le premier ministre sortant, qui a été pourchassé lundi par des dizaines de manifestants contre la vaccination et les mesures sanitaires.

En fin de journée, à London, certains protestataires lui ont même lancé des pierres alors qu’il entrait dans son autocar de campagne électorale. « Oui, j’ai senti que quelqu’un m’a pitché quelque chose. Mais ce n’est pas moi qui devrais être inquiet », a ajouté le principal intéressé. Il prononçait son allocution devant le Stade olympique, où une imposante sécurité empêchait toute personne non autorisée d’entrer sur le site, signe que la possibilité d’un rassemblement de manifestants était prise très au sérieux.

M. Trudeau affirme que cette montée de la violence l’inquiète bien au-delà des frontières politiques. « Ça ne se passe pas juste ici. À travers le pays, il y a des infirmières et des médecins qui se font harceler en rentrant à l’hôpital pour sauver des vies, ou des gens qui travaillent dans les magasins, dans les restaurants, qui se font agresser », s’est-il désolé. « Ces gens qui ont fait le choix de mettre les autres en danger, ils n’auront pas ma sympathie », a-t-il aussi martelé, en dénonçant que les manifestants privent les Canadiens de « faire un choix éclairé » pendant cette campagne.

Je m’inquiète aussi pour l’infirmière qui rentre pour un chiffre à minuit, et qui a peur que quelqu’un lui arrache son masque, lui lance du gravier, lui crache dessus. C’est à elle qu’il faut penser. […] Nous ne les laisserons pas gagner.

Justin Trudeau, premier ministre sortant

Le chef libéral dit vouloir « protéger » la réalité canadienne de la politique de proximité. « Je pense que les gens ici sont fiers que nous ne sommes pas comme les États-Unis, que nos premiers ministres peuvent se promener dans la rue. On doit considérer ça comme étant quelque chose de très précieux, que nous devons protéger », a-t-il dit.

Son équipe confirme avoir « eu des conversations » avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à la suite de l’incident de lundi soir. Des réflexions sont en cours pour « continuer d’assurer la sécurité de tout le monde », a indiqué M. Trudeau. « Tout ça, ce n’est pas ce que nous sommes en tant que pays », a-t-il aussi insisté, en se disant « inspiré » par les Canadiens « qui font la bonne chose » en se faisant vacciner.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Des agents de la GRC offraient une surveillance rapprochée du chef libéral Justin Trudeau, mardi.

Les chefs fédéraux préoccupés

Tous les autres chefs fédéraux ont aussi réagi avec force mardi. « Je ne peux pas imaginer que je suis en train de dire ça en 2021 : ne lancez pas des pierres aux gens avec lesquels vous n’êtes pas d’accord », s’est étonné Jagmeet Singh, lors d’un arrêt à Toronto. Le chef néo-démocrate a aussi supposé que ces manifestants « ont clairement des problèmes de santé mentale ».

« Il n’est jamais nécessaire ou pertinent d’avoir recours à l’intimidation ou à la violence », a souligné le chef bloquiste, de passage à Ottawa. Yves-François Blanchet a ajouté que s’il se mêlait à des foules hostiles comme continue de le faire M. Trudeau, les agents de sécurité qui le suivent lui feraient « de gros yeux ».

« Totalement inacceptable », a quant à lui dit Erin O’Toole à propos de l’incident de la veille. Il a rappelé qu’il utilisait fréquemment le studio que son parti a installé à Ottawa, question de faire campagne « de manière sécuritaire dans une pandémie ».

Lundi, bon nombre des manifestants portaient des casquettes et des chandails à l’effigie du Parti populaire du Canada (PPC) de Maxime Bernier. Ce dernier a indiqué sur Twitter qu’« un idiot a lancé des cailloux à M. Trudeau hier », en disant condamner le geste. « Quelqu’un m’a cassé un œuf sur la tête la semaine dernière. Je note qu’aucun des autres chefs n’a fait la moindre déclaration », a-t-il toutefois relevé.

Une candidate du PPC, Chelsea Hillier, était d’ailleurs aussi sur place au moment des faits. Prudent lorsque questionné à ce sujet, Justin Trudeau a dit vouloir laisser aux analystes le soin de déterminer pourquoi M. Bernier « veut accueillir ces électeurs ».

Mme Hillier a déclaré lundi qu’ils avaient « passé 18 mois à bâtir des réseaux à travers cette province et ce pays ». « Il n’y a littéralement nulle part qu’il peut aller sans que nous soyons au courant », a-t-elle dit. En conférence de presse, M. Trudeau avait déjà indiqué lundi qu’il ne comptait pas céder aux manifestants pour autant. « Je ne vais pas reculer. Je ne vais pas hésiter à continuer à me battre pour un Canada où les gens sont protégés, où les gens suivent la science, où on peut éviter d’autres confinements », a-t-il soulevé, en parlant d’une « petite fraction de notre population ».

Chose certaine : ces regroupements de manifestants inquiètent des experts en sécurité depuis plusieurs jours, mais surtout, ils ont de quoi surprendre, car la campagne libérale diffuse un minimum d’informations sur les allées et venues de M. Trudeau afin d’éviter les foules. À Montréal, comme la veille, aucune information publique n’a été donnée, à part le fait que Justin Trudeau était à Montréal.

Avec La Presse Canadienne