(Québec) Au lendemain du premier débat des chefs, les néodémocrates affirment qu’ils gagnent tranquillement mais sûrement des appuis au Québec. Ils vont jusqu’à rêver pouvoir décupler leur nombre d’élus dans la province, soit passer d’un à dix.

« Si on regarde les chiffres qu’on a en ce moment, qui sont en croissance, les choses vont bien, la réponse sur le terrain est bonne. Je pense qu’on peut viser entre six et dix circonscriptions », a expliqué le député sortant de Rosemont–La Petite-Patrie et unique rescapé néodémocrate au Québec, Alexandre Boulerice.

Les sondages créditent le Nouveau parti démocrate (NPD) de 13 % des intentions de vote au Québec. « On était à 11 % et à 9 % il n’y a pas longtemps », remarque M. Boulerice.

Le chef du NPD était dans la capitale nationale vendredi pour présenter sa plateforme pour le Québec. Jagmeet Singh n’était pas à Québec pour répondre à la « liste d’épicerie » de François Legault, « mais pour répondre aux attentes des Québécois ».

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Jagmeet Singh

Le chef du NPD a martelé qu’un gouvernement néodémocrate allait augmenter substantiellement les transferts en santé aux provinces. Mais le chef néodémocrate a refusé de s’engager clairement à hausser la contribution d’Ottawa pour le financement des dépenses des provinces en santé de 22 % à 35 %, sans conditions, comme elles le demandent.

« Nous annulerions les coupures de Stephen Harper et maintenues par Justin Trudeau », a lancé Jagmeet Singh. Son lieutenant québécois s’est toutefois engagé à le faire. « Oui, c’est 28 milliards comme le demande François Legault. Là-dessus, on est d’accord. »

Blanchet « délire » avec le troisième lien

Le premier ministre du Québec avait attaqué la semaine dernière le Parti libéral du Canada et le NPD, dénonçant ces partis qui veulent « choisir à la place du gouvernement du Québec les priorités en santé ».

Or Alexandre Boulerice a répété vendredi qu’un gouvernement du NPD respecterait « le droit de retrait avec compensation » du Québec. Selon lui, il est normal que son parti ne soit pas toujours en accord avec François Legault. « On regarde les demandes à la valeur même. On ne se peinture pas dans le coin comme d’autres. On n’est pas des marionnettes. On est des progressistes. Des fois on est d’accord, des fois on n’est pas d’accord. »

À ses dires, se plier à toutes les demandes du Québec est une position difficilement tenable. L’approche du Bloc québécois sur le troisième lien en est selon lui la preuve.

« Quand on voit comment il a fait des pirouettes avec le troisième lien M. Blanchet, je ne pense pas que ce soit tout le temps une stratégie gagnante, parce qu’il vient de perdre l’appui des environnementalistes au Québec », juge M. Boulerice.

Le lieutenant du NPD au Québec croit que M. Blanchet « délire » quand il dit croire « que ça pourrait être un projet écologique ». Le NPD, lui, s’engage à ne pas financer d’autoroutes s’il est porté au pouvoir. « Le défi de notre génération, c’est l’urgence climatique », note M. Boulerice. « La planète est en train de se transformer en fournaise. »

Libéraux et bloquistes réagissent

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Yves-François Blanchet

À Longueuil, vendredi, le chef bloquiste Yves-François Blanchet a refusé d’admettre que les néodémocrates pourraient gagner des appuis au Québec. « Je ne sens pas que le NPD est en montée partout au pays, et je n’ai pas cette impression-là au Québec. M. Singh ne me l’a certainement pas démontré hier », a-t-il dit en parlant du premier débat des chefs.

M. Blanchet a aussi pointé vers les contradictions de Jagmeet Singh, qu’il accuse d’entretenir un flou autour des transferts en santé avec ou sans conditions. « Que les pinceaux du NPD soient démêlés, ça semble être un sacré défi », a dit le bloquiste.

« C’est parce qu’il est dans le trouble qu’il se dit : je n’ai pas le choix, je vais être rejeté par le Québec si je n’adopte pas de facto les positions de l’Assemblée nationale », a poursuivi le chef du Bloc. Ultimement, « ce n’est pas dans l’ADN du NPD » de répondre favorablement au Québec, car ce parti est traditionnellement centralisateur, a fait valoir le chef bloquiste. « C’est comme la différence entre acheter ce produit qu’on trouve très bon parce que la marque est très reconnue et acheter ce produit sans nom à côté. La marque, c’est le Bloc québécois, le produit sans nom, c’est le NPD à côté », a ensuite martelé M. Blanchet.

Depuis Toronto, le chef des libéraux, Justin Trudeau, a indiqué qu’il aurait aimé voir le plan du NPD pour le Québec plus tôt. « On aurait bien aimé voir leur plan avant, pour pouvoir en discuter et en débattre hier soir. Je trouve ça bizarre qu’ils aient partagé ça le lendemain du débat », a-t-il soutenu.

Interrogé à savoir pourquoi son parti n’a pas de plan spécifique au Québec, M. Trudeau a indiqué que ses priorités « canadiennes » sur le logement, l’environnement et la relance économique, notamment, touchent « tout autant » les Québécois et leurs préoccupations quotidiennes.