Les chefs des principaux partis fédéraux ont dénoncé samedi les manifestants antivaccins qui ont empêché la tenue d’un rassemblement libéral la veille à Bolton, en Ontario. Mais les auteurs de tels gestes demeurent marginaux, rappellent des experts.

Vendredi soir, près de 150 manifestants en colère se sont rassemblés dans le stationnement d’un hôtel en banlieue de Toronto où Justin Trudeau devait prononcer un discours. Pendant deux heures, ils ont scandé des slogans contre la vaccination et lancé des injures à l’endroit du chef libéral, tout en défiant le périmètre de sécurité. Les renforts policiers étaient manifestement insuffisants, a constaté La Presse Canadienne.

Plus tard en soirée, Justin Trudeau s’était indigné de l’action des manifestants. « Dans mes années en politique, les 12 ans que j’ai faits ici, mais aussi ce que j’avais vu avec mon père, j’ai souvent vu des manifestants, j’ai souvent vu des gens fâchés », avait-il déclaré lors d’une mêlée de presse. « Je n’ai jamais vu ce niveau de colère. »

Même si la manifestation de vendredi a marqué l’imaginaire, la vaccination suscite un « consensus assez fort » au sein de la population, nuance Frédéric Boily, professeur de sciences politiques et vice-doyen à l’Université de l’Alberta.

Toutefois, on assiste à la formation d’un « noyau assez important d’opposants en train […] de se radicaliser dans leur opposition », explique M. Boily. Au moment où plusieurs provinces vont de l’avant avec la mise en place d’un passeport vaccinal, ces opposants se sentent « cernés » et manifestent leur point de vue bruyamment, poursuit-il.

Ce type de manifestants fait partie du paysage politique depuis des années, indique le professeur.

On est dans un continuum où l’on voit des groupes opposés à toutes sortes de choses se manifester de manière plus importante que par le passé, parce que la mobilisation est plus simple [en raison des réseaux sociaux].

Frédéric Boily, professeur de sciences politiques et vice-doyen à l’Université de l’Alberta

Les Canadiens sont bien loin d’un clivage aussi marqué que celui de leurs voisins du sud, estime Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Le Parti libéral et le Parti conservateur sont plus opposés qu’ils ne l’étaient il y a quelques années, le premier étant plus à gauche et l’autre plus à droite, comparativement à l’époque du Parti libéral de Jean Chrétien.

« On est quand même à des années-lumière du clivage partisan qu’on observe aux États-Unis », lance M. Jacob.

Selon Frédéric Boily, le clivage provient surtout de groupes en dehors des institutions politiques. « Ce qu’il faut surveiller maintenant, ce ne sont pas nécessairement des partis comme le Maverick, ou même le Parti populaire de Maxime Bernier, mais des mouvements qui, hors du parlementarisme classique, essaient de se former en groupe pour être capables de faire pression sur les partis. »

Les autres partis réagissent

Les actions bruyantes des antivaccins ne bénéficient pas à la campagne du chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, selon Frédéric Boily. « Il veut montrer un bilan plus centriste, plus rationnel », explique le professeur.

Ça pourrait même jouer en faveur des libéraux d’une certaine façon, parce que ça peut montrer que Justin Trudeau a la bonne position sur tout ça.

Frédéric Boily, professeur de sciences politiques et vice-doyen à l’Université de l’Alberta

Erin O’Toole a dû répondre aux questions des journalistes au sujet de la présence de militants conservateurs parmi les manifestants samedi.

« J’ai des attentes pour une campagne positive, a-t-il déclaré. C’est pourquoi je vais avoir un comportement professionnel et respectueux. Cela sera l’approche de tous nos bénévoles. J’ai des attentes envers tous nos bénévoles pour qu’ils aient la même approche. »

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a comparé cette manifestation aux actes de vandalisme sur les affiches électorales, pratique qu’il juge inacceptable. Il y voit un « détournement de message [et] un mécanisme d’injure ».

« Je tiens à souligner sans aucune hésitation que les candidats, que les chefs de parti doivent être en mesure de s’exprimer librement […], sinon la démocratie va payer le prix de ce genre de dérapage », a-t-il déclaré samedi.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a lui aussi dénoncé le comportement des manifestants. « Ce n’est pas acceptable d’avoir un évènement qui est annulé à cause des dangers ou des menaces de danger pour les bénévoles et les gens de l’équipe », a-t-il affirmé.