(Halifax) Le vent est-il en train de tourner dans le Canada atlantique ?

Au début de la campagne, les sondages laissaient entendre que les libéraux pourraient conserver la plupart des 32 circonscriptions qu’ils avaient enlevées en 2019. Quatre ans auparavant, ils avaient même réalisé le grand chelem.

Mais des experts politiques de la région notent que la campagne libérale bat de l’aile. Selon eux, Justin Trudeau n’est pas parvenu à expliquer la nécessité des élections.

« C’est presque comme si Justin Trudeau lui-même essayait de comprendre pourquoi nous sommes en campagne électorale », dit Tom Urbaniak, un professeur de sciences politiques à l’Université du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse. « Je commence à avoir l’impression que les libéraux se rendent compte qu’ils peuvent être vulnérables, du moins dans certaines circonscriptions. »

Don Desserud, un professeur de sciences politiques à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, estime que la campagne libérale manque d’une mise au foyer.

« C’est bizarre qu’elle n’ait pas de message cohérent. Les ministres sont partout, mais les cœurs n’y sont pas. »

Les libéraux semblent vouloir exploiter la gestion de la pandémie de COVID-19 par le gouvernement libéral, mais la stratégie ne fonctionne pas, dit le Pr Desserud.

« Le soutien aux libéraux diminue. M. Trudeau ne bénéficiera pas d’un sursaut pandémique », déclare-t-il.

Le professeur rappelle que les premiers ministres provinciaux et les médecins hygiénistes en chef de la région ont reçu une bonne part du mérite pour avoir gardé la pandémie sous contrôle.

« Les électeurs ne voient pas que M. Trudeau a joué ce rôle, même s’il a distribué beaucoup d’argent. »

En juillet, M. Trudeau a conclu des ententes sur les services de garde avec l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador. Il a aussi signé une entente de 5,2 milliards pour aider Terre-Neuve-et-Labrador à couvrir les dépassements de coûts qui ont affecté le projet hydroélectrique de Muskrat Falls.

Les surprenants résultats des élections provinciales en Nouvelle-Écosse, le 17 août, devraient servir d’avertissement aux libéraux, dit le Pr Urbaniak.

Comme leurs cousins fédéraux, les libéraux provinciaux étaient en quête d’un troisième mandat. Ils ont mis en évidence leur bilan pendant la pandémie. Et leur campagne était floue.

« Les libéraux de la Nouvelle-Écosse sont entrés en campagne sans une narration claire et sans programme audacieux, raconte le Pr Urbaniak. Ils pensaient qu’on les récompenserait de leur bilan. [Ian Rankin] pensait que cela suffirait. C’est une erreur de calcul. »

Les électeurs néo-écossais ont porté les progressiste-conservateurs au pouvoir de façon majoritaire.

Une différence notable : Ian Rankin n’était premier ministre que depuis six mois au moment du déclenchement des élections. Il s’est avéré comme un politicien maladroit, contrairement à un Justin Trudeau aguerri.

« L’exemple de la Nouvelle-Écosse ne se traduit pas sur la scène nationale », constate le directeur du département de sciences politiques de l’Université du Nouveau-Brunswick à Fredericton. « Tim Houston (le chef progressiste-conservateur) s’est présenté comme un progressiste pour se distancer des conservateurs sociaux. Je ne sais pas si cela va profiter aux conservateurs d’Erin O’Toole en Nouvelle-Écosse. »

Selon M. Wright, l’élan qui semble pousser le NPD pourrait siphonner des votes aux libéraux dans les circonscriptions urbaines du Canada atlantique, ce qui pourrait profiter aux conservateurs.

« Et les Verts provinciaux sont très forts au Nouveau-Brunswick, particulièrement à Fredericton. »

Pendant ce temps, les libéraux n’ont pas réussi à diaboliser le parti conservateur ou son chef comme ils y étaient parvenus lors des deux élections précédentes.

« Au Canada atlantique, vous avez besoin d’un croque-mitaine de droite pour effrayer les gens, souligne Alex Marland, un professeur de sciences politiques à l’Université Memorial de Terre-Neuve. Au Canada atlantique, la question est de savoir si les libéraux peuvent décrire Erin O’Toole comme quelqu’un dont il faut avoir peur ? »

La semaine dernière, Trudeau a accusé Erin O’Toole de vouloir planifier la privatisation du système de santé public du Canada. « Nous continuerons de défendre un système de santé public et universel, contrairement à Erin O’Toole », a déclaré Justin Trudeau, mardi.

Pour le Pr Marland, un des problèmes de Justin Trudeau est qu’il n’est plus le visage du changement, comme jadis.

« Ce n’est plus un gouvernement particulièrement excitant », lance-t-il.